Créer, c’est décider

Au fil des semaines, j’ai compris que la création s’accompagne surtout d’un acte moins visible mais fondamental : la décision.

Chaque projet auquel j’ai participé m’a confrontée à des choix esthétiques, techniques et/ou stratégiques mais toujours à prendre vite, et dans un cadre complexe.

Le meilleur exemple, c’est le chantier colossal du groupe M6. Suite au rachat et au regroupement de plusieurs chaînes (W9, 6ter, Gulli, Téva, RTL,ParisPremière etc.) dans une plateforme commune, M6+, il a fallu repenser une grande partie des logos, des noms et des cohérences visuelles entre les marques. On a dû modifier certains logos, (notamment trouver une nouvelle formalisation en 2D car la 3D n’est plus en phases avec les tendances graphiques ), adapter des univers très identifiés à un ensemble plus cohérent, mais aussi concevoir un nouveau logo pour “M6 Groupe”, qui rassemble toutes ces entités sans les faire se marcher dessus.

Tout cela sous deux contraintes fortes :

• un timing rapide pour valider, produire et livrer les premières versions

• une grande responsabilité : M6 est une marque puissante, et chaque ajustement a un impact large.

Même chose avec le projet du journal télévisé de la chaîne Nouvelle 19 (liée à Ouest France). Le brief : imaginer l’habillage complet de leur JT de l’identité visuelle au générique, en passant par les jingles, les animations d’antenne et la proposition de logo. Là encore, il a fallu trancher très vite : le travail se faisait en équipe, et devait être transmis rapidement aux monteurs / motion designer, pour que l’habillage prenne vie sans perte de temps. Choisir une typographie, valider une intention d’image ou un rythme de transition, ce n’était pas “une étape parmi d’autres” : c’était le cœur du travail.

J’ai aussi travaillé sur une future émission Canal+ portée par Antoine de Caunes, autour du cinéma, dans l’esprit du “Cercle”. Il a fallu concevoir une identité graphique déclinable pour tous les écrans plateau, jingles, transitions, générique. Là encore, créer une esthétique, c’est concevoir un système : une mécanique qui fonctionne visuellement, mais aussi facile à décliner pour les équipes internes. Et cela suppose de prendre rapidement les bonnes décisions sur les couleurs, les formes, les hiérarchies d’info, le ton, etc. pour que le motion designer puisse ensuite passer à l’animation dans la foulée.

Je pensais que décider en création signifiait souvent “couper” dans ses idées, renoncer. Mais j’ai appris que c’est l’inverse : décider, c’est clarifier. C’est aller à l’essentiel, dégager une intention forte, lisible, efficace.

C’est aussi une forme d’autonomie que je ne pensais pas avoir si tôt : j’ai été amenée à prendre des décisions graphiques qui avaient un vrai poids dans les projets, car il fallait que ça avance, que ce soit cohérent, et que ce soit beau.

Enfin, ce stage m’a aussi permis de comprendre que dans la création contemporaine, notamment dans le domaine de l’image animée ou du branding télé, la rapidité n’est pas l’ennemie de la qualité.

On peut créer vite et bien, à condition de savoir s’adapter, faire confiance à son œil, à son intuition, et à son équipe.

Loin de me brider, ces délais m’ont au contraire poussée à me recentrer sur ce qui fait sens. J’ai appris à faire des choix, à défendre des directions, à travailler plus efficacement, mais sans sacrifier ma créativité.

Créer, c’est décider et aujourd’hui, je me sens bien plus capable de le faire.

Penser l’animation comme stratégie

Ces dernières semaines, j’ai travailler sur une campagne de publicité pour le groupe BPCE, à destination des jeunes pour les inciter à assurer leur appartement. Le contenu et les visuels avaient été pensés en amont par ma maître de stage, dans une tonalité accessible et proche des codes de cette génération. Puis il fallait les décliner en animation pour les transports en commun.

Le public ciblé : une génération ultra-connectée, très sollicitée, avec une attention visuelle exigeante et rapide.  De plus, un support en particulier a demandé plus de mon attention: les Strides, des stations de recharge pour téléphone dans les lieux publics qui intègrent désormais des écrans de diffusion. C’est un format encore peu exploité, mais très stratégique car il permet de s’adresser directement aux jeunes dans l’espace public, avec un contenu court. L’enjeu était donc de concevoir une animation immédiatement lisible dès les premières secondes.

Les premières animations réalisées (par d’autres) pour la campagne étaient trop plates et trop lentes. Donc le message était bon, mais le support ne suivait pas car elle ne correspondait ni à la cible, ni à l’intention. C’est là qu’on voit ce que signifie l’idée de “le médium est le message”. Si le mouvement n’incarne pas l’énergie du message, alors ce dernier perd en efficacité. C’est ce qui se passait dans les animations. On m’a alors demander de toute les refaire pour qu’elles soient plus en accord avec la campagnes. 

Schéma de mon dernier projet de stage

Tout au long du projet, ma maître de stage m’a accompagnée et conseillée sur la manière de structurer une animation de manière stratégique. Il ne suffit pas d’enchaîner des effets pour que ce soit “dynamique”  car trop d’animations en même temps nuisent à la lisibilité. J’ai voulu donner du rythme sans surcharger, pour faire en sorte que les mouvements servent le message : nous comprenons les jeunes. Et à hiérarchiser l’information visuellement tout en respectant la contrainte de temps que nous imposait le support. 

Mon stage s’est terminé, mais certains projets, continuent !

Ce projet est encore en cours car je vais poursuivre le travail à distance pendant l’été. C’est un prolongement inattendu de mon stage : l’agence m’a proposé de continuer à collaborer avec eux. C’est une belle marque de confiance, qui me donne aussi l’occasion d’aller plus loin dans la réflexion. 

Ce projet, comme l’ensemble du stage, m’a confirmé que j’ai ma place dans ce domaine, parce que j’y prends vraiment plaisir. Ces trois mois m’ont donné une meilleure compréhension du lien entre contenu, cible, support et forme. Et surtout, j’ai pu prendre conscience que l’animation n’est pas qu’un ajout mais un levier dans la stratégie de communication. L’animation structure le regard, rythme la lecture, hiérarchise l’information. Elle permet de guider l’attention et de mettre en avant ce qui est essentiel. Et c’est très important dans un domaine comme la stratégie de com’ ou l’on cherche à influencer la perception du publique. 

L’IA est-elle en train de changer notre métier ?

Pendant mon stage, on a travaillé sur un projet un peu particulier : un deep fake réalisé par IA pour une vidéo interne, à destination d’un séminaire d’entreprise. C’était volontairement fun et décalé, mais ce qui m’a frappée, c’est la facilité avec laquelle on a pu le faire. Quelques images, quelques réglages… et l’IA faisait presque tout toute seule. Je me suis demandé : si c’est aussi simple, à quoi on servira encore, nous, les graphistes ou motion designers ?

J’ai parlé avec mon tuteur. Il me disait souvent qu’avec l’arrivée de l’IA, dans dix ans, les jeunes qui sortiront d’école auront des compétences bien plus poussées que nous, justement grâce à ces outils. Ils pourront produire vite et bien, et si nous, on ne sait pas s’adapter, on risque de se faire dépasser. Selon lui, il faudra réussir à devenir plus polyvalent, à ne pas rester cantonné à un seul logiciel ou à un seul type de production.

Mais il ajoutait aussi quelque chose d’important : peut-être que dans dix ans, After Effects n’aura plus le monopole, remplacé par des IA capables de générer des animations complètes. Et paradoxalement, c’est justement parce qu’on sait le maîtriser aujourd’hui que ça peut nous donner un avantage. Savoir composer, animer et structurer une vidéo avec un vrai regard, ça ne s’improvise pas, même avec une IA.

Il insistait beaucoup sur un point : il faut affûter son œil de graphiste. Être capable de reconnaître ce qui est dans l’air du temps, ce qui fonctionne visuellement, et ce qui est déjà dépassé. Une IA pourra générer des images parfaites techniquement, mais si on n’a pas ce regard, on risque de produire des choses plates, sans personnalité.

Est-ce qu’il faut déjà plonger à fond dans l’IA pour ne pas rester en arrière ? Ou au contraire, continuer à renforcer nos bases « classiques » pour garder une longueur d’avance ? Peut-être que la réponse est entre les deux.

Ce que cette expérience m’a appris, c’est que l’IA n’enlève rien à notre métier… si on sait pourquoi on l’utilise. Le deep fake qu’on a fait fonctionnait bien non pas parce que l’IA était « magique », mais parce qu’on avait pensé en amont la mise en scène, le ton, le rythme. L’outil ne fait pas tout, il ne remplace pas les choix visuels, ni la capacité à raconter quelque chose.

Parce que c’est peut-être ça, la vraie différence entre un « utilisateur d’IA » et un graphiste : l’un laisse l’outil décider, l’autre choisit ce qu’il veut dire avec.

What are the business sectors of Sharing agency’s clients ?

The chart shows that Sharing agency works mostly in Banking / Finance / Insurance (16%) and Cosmetics / Beauty (14%). Other important sectors are Real Estate / Construction / Development and Food Beverages (11%). Tourism / Hospitality (9%), Health, Leisure, and Education (8%) follow. Research is the smallest sector with 6%.

« We are a 360° agency »

says Caroline Cacheur, artistic director and co-founder of Sharing.

The numbers show Sharing’s diversity. The agency works in strategic, cultural, and public fields. It offers brand strategy, graphic and audiovisual creation, social media, web and digital development, and CSR. With so many services on offer, it’s no surprise that Sharing attracts a diverse clientele.

Clients have different needs: a fashion brand wants creative impact and social media engagement, while other companies want efficiency and trust. Having its own content studio helps the agency keep projects consistent from start to finish.

Peut-on encore faire preuve de créativité dans un univers déjà normé

Au fil de ce deuxième mois, j’ai participé à des projets très différents : l’habillage de France TV Outre-mer, la conception de modèles pour les réseaux sociaux des Éditions de Minuit (l’une des plus anciennes maisons d’édition françaises, fondée en 1941), mais aussi à la création d’images plus “pures” pour des événements comme Wimbledon ou les 90 ans de la Vuelta.

 À chaque fois, mon rôle n’a pas été de tout inventer, mais de concevoir au sein d’un univers déjà balisé, d’un système déjà en place. Et cette contrainte, loin d’être un frein, m’a permis de comprendre ce que signifie réellement designer dans des contextes contraints. 

Pour les 90 ans de la Vuelta, célèbre tour cycliste espagnol, j’ai dû composer à partir d’un univers d’images existantes (banques comme Getty). Le défi n’était pas de tout créer, mais de transformer ces éléments en visuels forts, cohérents et impactants. Incrustation de personnages dans des paysages, composition, jeu de couleurs : tout devait faire sens. J’ai beaucoup appris en gestion de fichiers Photoshop, en rigueur sur les formats et les droits, mais aussi en regard critique : donner une intention visuelle forte même sans être dans une “création pure”.

Je ne peux pas encore montrer mes visuels, car la Vuelta n’a pas officiellement communiqué sur ses 90 ans : voici donc un exemple réalisé par l’agence lors de l’édition précédente.

Même logique pour Wimbledon. Pour l’édition 2023, le concept visuel “Be Wild” avait été choisi pour traduire une vision plus intense, sauvage et passionnée du tennis. J’ai décliné plusieurs propositions dans cet esprit, en pensant toujours à leur adaptabilité selon les formats (stories, affiches, bannières, etc.). Ces projets m’ont aussi appris à structurer mes fichiers de travail pour qu’ils puissent être partagés facilement au sein de l’équipe : nommer les calques proprement, décliner les formats, créer des gabarits pour un usage collectif. Cette rigueur, que je connaissais peu avant, est devenue un outil essentiel pour travailler en agence.

visuels type d’événements sportifs que l’agence a produit

Sur le projet France TV Outre-mer, j’ai eu encore plus de responsabilités. Aujourd’hui, j’en suis à l’étape de déclinaison : chaque discipline sportive doit avoir son identité dans un ensemble cohérent. Le cadre est strict et je dois respecter les codes de France TV en termes de composition, couleurs, typographies. Cette hiérarchisation visuelle demande un travail de réflexion précis : comment garder une cohérence d’ensemble tout en différenciant chaque discipline ? Comment équilibrer le jeu graphique avec les contraintes d’un habillage télévisuel ? C’est un travail de conception stratégique autant que d’exécution rigoureuse.

Je ne peux pas montrer de visuels pour le moment alors voici l’habillage de France TV Sport. Il s’agira du même principe, mais avec un système graphique que j’ai conçu, différent des cercles concentriques et des couleurs habituelles, tout en respectant la charte de France TV.

habillage de france tv sport

Pour l’appel d’offre de Novo 19, bien que le projet n’ait pas été retenu, cela a été l’un des plus gros projets sur lequel j’ai travaillé. Il comportait une vraie phase de conception d’un système visuel, choix typographiques, couleurs, de motion, choix de musique…mais aussi une importante part d’exécution cadrée. Il s’agissait de produire un document client complet, une sorte de “brand book” en PDF rassemblant toutes les briques de l’univers graphique : de l’autopromo au motion, en passant par les règles d’usages.

J’ai aussi pu y perfectionner mon usage des IA génératives comme Midjourney ou Runway, dans un cadre de production d’images qui dépasse la phase de création classique. J’ai contribué à écrire des prompts et des scripts pour générer des visuels ou simuler des plans avant tournage. Cette méthode nous a permis de gagner du temps, de mieux faire comprendre notre vision aux clients et de tester plusieurs directions créatives sans passer par une phase de prototypage longue.

Enfin, les Éditions de Minuit m’ont permis de changer totalement d’univers. Cette maison historique fondée en 1942, connue pour son catalogue littéraire exigeant (Beckett, Duras, Echenoz…), travaille aujourd’hui son image sur les réseaux sociaux. À partir de la charte déjà établie par l’agence, j’ai conçu des templates de posts, que la maison pourra ensuite décliner en autonomie. Là encore, l’enjeu était de réduire la place du texte pour mettre en valeur le visuel, tout en respectant une grille très stricte.

Ce mois-ci, j’ai appris que le design ne commence pas toujours avec une page blanche. Il s’agit souvent d’interpréter, d’ajuster, d’amplifier. Travailler à partir de cadres définis m’a donné des outils pour affirmer mon regard, affiner ma précision, et donner du sens – même quand on ne crée pas tout, on conçoit toujours.

 La bienveillance peut-elle rimer avec exigence ? 

Lorsque j’ai commencé mon stage chez Saïdath, j’étais prête à m’adapter à un univers que j’imaginais intense, voire stressant. Je m’étais préparée à affronter la pression des délais, la rigueur d’un univers créatif en lien avec des marques de luxe, et une certaine distance professionnelle. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est à trouver un cadre de travail profondément bienveillant et pourtant, aussi exigeant.

L’étonnement est venu de là : comment un tel équilibre est-il possible ? Comment concilier attention portée à l’humain et niveau d’exigence élevé ?

Dès les premiers jours, j’ai été frappée par la manière dont Saïdath encadre le travail : de façon précise, impliquée, mais toujours avec douceur. Elle prend le temps d’expliquer, reformule si nécessaire, valorise les idées, et surtout : ne dramatise pas l’erreur. Le mot « apprendre » revient souvent dans ses phrases, au même titre que « expérimenter ».

Mon cerveau qui tabasse un préjugé

Pourtant, derrière cette souplesse apparente, le rythme de travail est soutenu. Les projets s’enchaînent, les objectifs sont clairs, les délais respectés, les productions rigoureuses, il y a tellement de choses dont j’aimerai vous parler ici mais malheureusement ce n’est pas encore sorti donc il faudra attendre un peu. Ce que je peux dire en revanche c’est que je travaille sur la Paris Design Week et je m’occupe avec Saïdath de toute la partie recherche, DA et c’est à la fois dingue et en même temps je ressens une certaine exigence qui est attendu dans mon travail. 

« J’ai envie de faire quelque chose de grand » 

Saïdath

En temps normal je pars souvent dans tous les sens niveau projet j’ai beaucoup d’idée mais pas les moyens pour les réaliser. Sauf que là j’ai le problème inverse je peux proposer ce que je veux mais je me limite dans mes propositions par peur de manquer de moyen, alors que c’est possible ! C’est un peu marrant. 

Moi totalement pas à ma place chez Maison & Objet

Cela m’a obligée à reconsidérer l’image que j’avais d’un environnement professionnel « sérieux ». Je croyais que l’exigence devait forcément se manifester par la dureté, la distance, voire une certaine forme de pression comme je peux le voir quand elle est en réunion chez l’Oréal. Sauf que ici, l’exigence est présente, mais elle est intégrée à une démarche pédagogique et collaborative. Elle n’écrase pas, elle élève.

Et cela change beaucoup de choses. Parce que je me sens en confiance, je m’autorise à proposer, à tester, à poser des questions. Je n’ai pas peur de ne pas savoir. 

Schéma de ce qu’il se passe pendant un projet

Et paradoxalement, c’est peut-être dans ce cadre détendu que je me sens le plus investie. La bienveillance ne dilue pas la rigueur : elle crée les conditions pour que je sois plus autonome, plus concentrée, plus créative. Elle m’encourage à prendre des initiatives, mais m’offre aussi le droit à l’imperfection.

Cette approche m’interroge sur ma propre vision du travail : est-ce que j’ai intégré malgré moi l’idée que performance et souffrance doivent aller de pair ? Que pour être crédible, il faut forcément se surpasser au risque de se brûler ? Ce stage me montre qu’il existe d’autres modèles, plus équilibrés, plus respectueux. Et qu’ils ne sont pas moins efficaces.

En somme, mon étonnement ne vient pas tant de la bienveillance en elle-même, mais de sa coexistence avec une exigence réelle. Le monde du travail peut être un espace d’exigence sans être un lieu de tension. Et c’est peut-être cette nuance-là que je retiendrai le plus.

Créer c’est aussi savoir communiquer

Mon premier stage, que j’ai effectué avec Giovanni Ambrosio, touche déjà à sa fin. Ce fut une expérience riche et passionnante. J’ai eu l’opportunité de travailler sur ce que j’aime vraiment : la création de sites web et même quelques projets autour de la photographie. J’ai également voyagé en Italie, ce qui m’a permis de découvrir les différences entre deux mentalités professionnelles.

Cependant, cette note d’étonnement portera sur un aspect qui m’a accompagnée tout au long de ces deux mois de stage, et que Giovanni m’avait déjà mentionné lors de notre entretien : la communication.

Dans ce contexte, la communication ne se limite pas à un simple échange d’informations. Elle consiste à comprendre, à travers le dialogue avec le client, quel type de message il souhaite transmettre, quelle image il veut véhiculer et comment adapter la forme à ses objectifs. Autrement dit, avant de concevoir un produit visuel, il faut savoir écouter, poser les bonnes questions, puis guider le client vers des choix cohérents et réalisables. Car beaucoup espèrent un site ou une affiche à la fois beau, peu coûteux et immédiatement rentable. 

BD : communication avec le client

Mais le designer n’est pas un magicien. Il faut souvent passer des heures à déconstruire leurs attentes pour identifier ce qui est réellement essentiel, ce qui est techniquement faisable, et ce qui est cohérent avec leurs moyens.

Autrement dit, la première étape du travail sera toujours le dialogue. Ce qui m’a surprise, c’est que la deuxième étape est en réalité… la stratégie de communication. Avant même de penser au design visuel, il faut expliquer comment celui-ci servira à transmettre le bon message au bon public. Ainsi, le designer devient aussi communicant, marketeur, voire community manager. La question qui revient souvent de la part des clients est : « Combien de clients ce site ou cette affiche va-t-il m’apporter ? »

Cela peut sembler éloigné du cœur du métier, mais c’est en réalité très logique : le design n’existe jamais pour lui-même. Il a une fonction, souvent commerciale. Mais je savais pas qu’il fallait aller aussi loin dans l’analyse, l’argumentation et la pédagogie.

Et bien sûr, si tu travailles en freelance comme le fait Giovanni, tu n’auras pas autour de toi un marketeur, un analyste, un designer UX ou un community manager. Il faut assumer tous ces rôles soi-même et devenir un professionnel polyvalent pour rester compétitif sur le marché.

En fin de compte, j’ai compris que pour beaucoup de clients, la façon dont son produit est communiqué compte parfois plus que le design réfléchi, esthétique et harmonieux. C’est un peu frustrant, car les personnes extérieures au monde du design ne réalisent pas que ce n’est pas censé être la mission première d’un graphiste ou d’un web designer. Mais si on veut travailler aujourd’hui et rester demandé, il faut savoir s’adapter…

En résumé, ce stage m’a permis de découvrir l’envers du décor du métier de designer : un équilibre entre créativité et stratégie de communication.

Le client a-t-il toujours raison ?

Dès le début de mon stage, j’ai été confrontée à cette problématique à travers un projet de motion design pour IALB, une entreprise spécialisée dans l’aéronautique. Avec Matthieu Poli, nous avons conçu une identité visuelle complète pour le motion final. Cette proposition a été validée par le client, et nous avons ensuite avancé en leur présentant régulièrement des extraits en accord avec le brief initial.


Cependant, le projet a rapidement commencé à s’étendre : initialement prévu pour deux jours de production, il a été freiné par une succession de retours fréquents, parfois contradictoires. Certains ajustements demandés étaient annulés dans l’heure suivante,

ou remplacés par d’autres qui allaient à l’encontre de ce qui avait été approuvé. Par exemple : le client n’avais pas de logo pour sont nouveaux produit, Matthieu en avait conçu un sobre et efficace, mais celui ci a été délaissé au bénéfice d’un autre généré par le client via ChatGPT, qui risquait d’être confondu avec d’autres logos déjà dans le motion.


C’est dans ce contexte que Matthieu a dit une phrase :
« Il faut que le client nous fasse un peu plus confiance. »

Cette expérience m’a amenée à me poser la question : quelle est véritablement ma fonction en tant que graphiste ? Dois-je simplement suivre des instructions, ou puis-je défendre une intention visuelle construite, réfléchie ? Quand doit-on s’effacer pour satisfaire, et quand est-il préférable de prendre le temps d’argumenter, d’expliquer ou de proposer autrement ?

En discutant avec mon tuteur, je lui ai posé la question : « Le client a-t-il toujours raison ? »
Il m’a répondu : « Il a ses raisons, mais pas forcément raison. »
Cette nuance m’a aidée à comprendre qu’il ne s’agit pas d’imposer une vision, mais de chercher des équilibres. Il est essentiel d’écouter, sans pour autant tout accepter. Parfois, cela demande des tests, des variantes, ou simplement un peu de pédagogie pour partager nos intentions.

Mon étonnement initial m’a permis de prendre conscience d’un des grands enjeux du métier : apprendre à parler graphisme avec ceux qui ne le pratiquent pas.

Aventure professionnelle, culturelle, humaine

Irang Lim 프로필 & Séoul 서울 

Ma tutrice, Irang Lim, dirige son propre studio de design graphique à Séoul, Studio Phenomena.

Elle incarne à elle seule ces trois dimensions : le professionnalisme, l’ouverture culturelle et une relation humaine authentique et bienveillante.

Dès le début, Irang a abordé le stage avec une approche personnelle et généreuse : elle s’est donnée pour mission de me faire plonger dans la culture coréenne, de m’en apprendre davantage sur Séoul et sur le design graphique, tout en se positionnant comme une référente de confiance à mes côtés.
Cet accompagnement m’a tout de suite rassurée dans cette ville immense et ultra dynamique, où l’on peut facilement se sentir désorienté, aussi bien physiquement que mentalement.

Irang m’a donc fait découvrir la culture coréenne au quotidien : en m’emmenant manger des spécialités locales tous les midis, en visitant des expositions, des palais, des quartiers artistiques et inspirants de Séoul — comme le vieux quartier d’Euljiro, dont elle m’a expliqué qu’il est un lieu de rencontre pour les designers en quête d’inspiration pour leurs projets d’identité visuelle.

Euljiro, Séoul, 23.04.25

Le Hangeul 한글

Irang m’a aussi permis d’expérimenter avec le Hangeul, l’alphabet coréen.
Son compagnon Jinwoo, professeur de design, organise depuis plusieurs années un workshop avec des étudiants européens autour des formes modulaires du Hangeul. J’ai ainsi pu découvrir cet alphabet qui m’était encore inconnu, explorant son aspect modulaire, créatif, graphique.

Expérimentations avec les modules du Hangeul
à mon bureau, au studio, 24.04.25

Hongik Pharmacy 홍익약국

En parallèle d’un projet personnel qu’elle m’a confié — la création d’un design personnel pour une planche de skateboard — Irang m’a également intégrée à un projet professionnel : la conception de l’identité visuelle de la Hongik Pharmacy. Cette pharmacie est située dans le quartier vibrant de Hongdae, fréquenté majoritairement par des étudiants et des étrangers. J’ai pu assister à un rendez-vous professionnel qu’elle a eu avec un studio de design d’intérieur avec qui elle collabore sur le projet.

Hongik Pharmacy à Hongdae, Séoul, 28.04.25

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Le directeur de ce studio était un homme plus âgé dont l’attitude condescendante contrastait avec leur statut égal dans le projet.

Travaillant habituellement sur des projets culturels, Irang a accepté ce projet de branding surtout pour élargir son portfolio. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement attirée par le design à vocation commerciale, c’était justement intéressant d’observer sa manière de s’adapter à une demande nouvelle.

Cela m’a permis de réfléchir à la posture du designer, au genre, et à la place de la création graphique dans des projets transdisciplinaires.

Quelle crédibilité quand on est une femme à la tête de son propre studio ? 
Comment avoir confiance en son travail ? 
Comment s'adapter à des projets plus commerciaux ? 
Et donc, se démarquer face à une demande précise et rigide ? 

Enfin, sur le plan humain, Irang est très attentive au traitement des stagiaires. Ayant elle-même vécu une mauvaise expérience en tant que stagiaire, elle fait en sorte que mon stage soit réellement formateur et enrichissant. Elle prend soin de moi avec beaucoup d’attention, de confiance, d’ouverture d’esprit. Nous avons de nombreuses discussions profondes sur des sujets variés, et cette complicité rend l’expérience encore plus précieuse !

안녕히 가세요

Quand le design transmet des valeurs

Je n’arrive pas à croire que presque quatre semaines de mon stage se soient déjà écoulées. L’expérience s’avère bien plus agréable et facile que je ne l’imaginais. Je m’entends très bien avec mon tuteur Giovanni, bien que je pense que le fait de travailler en binôme y contribue grandement.

Durant cette période, nous avons travaillé, en parallèle d’autres projets, sur son initiative personnelle : EXTRA. Il s’agit d’un kit d’outils visuels modulaires destiné aux programmes artistiques indépendants, aux espaces gérés par des artistes, aux associations, aux artistes individuels et aux collectifs, comprenant un kit d’affiches et un kit pour les réseaux sociaux.

L’idée est de fournir un instrument professionnel mais accessible, que différents collaborateurs au sein d’associations ou de collectifs pourraient utiliser directement, y compris ceux qui n’ont jamais abordé le design graphique. Nous avons veillé à ce que chaque élément soit expliqué et que les étapes d’utilisation des modèles soient claires et simples.

Page du PDF explicatif fourni avec le kit EXTRA

Même si ce travail n’est pas rémunéré pour Giovanni, nous y avons investi beaucoup de temps et d’efforts, car il représente avant tout une prise de position forte en faveur d’un design accessible à tous et constitue une excellente opportunité pour accroître sa visibilité et générer un trafic organique vers son site portfolio.

C'est précisément cela qui m'a fait penser que défendre ses convictions personnelles dans ses projets peut s'avérer bénéfique.

Dans une certaine mesure, en tant que graphiste, mes opinions influenceront toujours mon travail, mais Giovanni, par exemple, les transmet dans presque tous ses projets. Ce faisant, il se forge un nom et une reconnaissance. Il est donc logique que des personnes partageant ses principes de travail soient naturellement attirées vers lui et deviennent ensuite des clients avec lesquels il est beaucoup plus facile de collaborer qu’avec des personnes avec lesquelles on a des divergences de vues.

Et même le fait qu’il partage gratuitement ses créations attire des personnes qui n’ont peut-être pas les moyens de s’offrir les services d’un graphiste professionnel pour le moment, mais il y a de fortes chances qu’elles fassent appel à lui à l’avenir, ayant apprécié la qualité de son travail et le fait de l’avoir obtenu gratuitement.

En réalité, je trouve que c’est une approche du travail plutôt intéressante à laquelle je n’avais jamais pensé auparavant. Se dire à chaque fois que ce que l’on transmet dans un projet destiné à des personnes extérieures, potentiellement de futurs clients, sera inévitablement associé à soi en tant que graphiste. Et si ces personnes ne partagent pas certaines de vos opinions exprimées dans votre travail, elles choisiront de s’adresser à quelqu’un d’autre. Inversement, si les personnes qui vous contactent l’ont fait précisément parce qu’elles ont été sensibles à ce que vous transmettez, la collaboration et la communication seront beaucoup plus simples, car vous regardez dans la même direction. Et même si elles sont en désaccord sur certains points, il sera beaucoup plus facile de les convaincre des choix artistiques, par exemple.

Illustration : ma vision de la répartition des clients entre freelances

J’espère avoir l’occasion de voir le résultat de notre travail au cours des prochaines semaines de mon stage, car ce projet n’est pas encore terminé. Et à l’avenir, il serait intéressant de discuter avec Giovanni des clients qu’il a pu acquérir grâce à ce projet et de vérifier si ma théorie fonctionne vraiment dans le monde professionnel.