Peut-on encore faire preuve de créativité dans un univers déjà normé

Au fil de ce deuxième mois, j’ai participé à des projets très différents : l’habillage de France TV Outre-mer, la conception de modèles pour les réseaux sociaux des Éditions de Minuit (l’une des plus anciennes maisons d’édition françaises, fondée en 1941), mais aussi à la création d’images plus “pures” pour des événements comme Wimbledon ou les 90 ans de la Vuelta.

 À chaque fois, mon rôle n’a pas été de tout inventer, mais de concevoir au sein d’un univers déjà balisé, d’un système déjà en place. Et cette contrainte, loin d’être un frein, m’a permis de comprendre ce que signifie réellement designer dans des contextes contraints. 

Pour les 90 ans de la Vuelta, célèbre tour cycliste espagnol, j’ai dû composer à partir d’un univers d’images existantes (banques comme Getty). Le défi n’était pas de tout créer, mais de transformer ces éléments en visuels forts, cohérents et impactants. Incrustation de personnages dans des paysages, composition, jeu de couleurs : tout devait faire sens. J’ai beaucoup appris en gestion de fichiers Photoshop, en rigueur sur les formats et les droits, mais aussi en regard critique : donner une intention visuelle forte même sans être dans une “création pure”.

Je ne peux pas encore montrer mes visuels, car la Vuelta n’a pas officiellement communiqué sur ses 90 ans : voici donc un exemple réalisé par l’agence lors de l’édition précédente.

Même logique pour Wimbledon. Pour l’édition 2023, le concept visuel “Be Wild” avait été choisi pour traduire une vision plus intense, sauvage et passionnée du tennis. J’ai décliné plusieurs propositions dans cet esprit, en pensant toujours à leur adaptabilité selon les formats (stories, affiches, bannières, etc.). Ces projets m’ont aussi appris à structurer mes fichiers de travail pour qu’ils puissent être partagés facilement au sein de l’équipe : nommer les calques proprement, décliner les formats, créer des gabarits pour un usage collectif. Cette rigueur, que je connaissais peu avant, est devenue un outil essentiel pour travailler en agence.

visuels type d’événements sportifs que l’agence a produit

Sur le projet France TV Outre-mer, j’ai eu encore plus de responsabilités. Aujourd’hui, j’en suis à l’étape de déclinaison : chaque discipline sportive doit avoir son identité dans un ensemble cohérent. Le cadre est strict et je dois respecter les codes de France TV en termes de composition, couleurs, typographies. Cette hiérarchisation visuelle demande un travail de réflexion précis : comment garder une cohérence d’ensemble tout en différenciant chaque discipline ? Comment équilibrer le jeu graphique avec les contraintes d’un habillage télévisuel ? C’est un travail de conception stratégique autant que d’exécution rigoureuse.

Je ne peux pas montrer de visuels pour le moment alors voici l’habillage de France TV Sport. Il s’agira du même principe, mais avec un système graphique que j’ai conçu, différent des cercles concentriques et des couleurs habituelles, tout en respectant la charte de France TV.

habillage de france tv sport

Pour l’appel d’offre de Novo 19, bien que le projet n’ait pas été retenu, cela a été l’un des plus gros projets sur lequel j’ai travaillé. Il comportait une vraie phase de conception d’un système visuel, choix typographiques, couleurs, de motion, choix de musique…mais aussi une importante part d’exécution cadrée. Il s’agissait de produire un document client complet, une sorte de “brand book” en PDF rassemblant toutes les briques de l’univers graphique : de l’autopromo au motion, en passant par les règles d’usages.

J’ai aussi pu y perfectionner mon usage des IA génératives comme Midjourney ou Runway, dans un cadre de production d’images qui dépasse la phase de création classique. J’ai contribué à écrire des prompts et des scripts pour générer des visuels ou simuler des plans avant tournage. Cette méthode nous a permis de gagner du temps, de mieux faire comprendre notre vision aux clients et de tester plusieurs directions créatives sans passer par une phase de prototypage longue.

Enfin, les Éditions de Minuit m’ont permis de changer totalement d’univers. Cette maison historique fondée en 1942, connue pour son catalogue littéraire exigeant (Beckett, Duras, Echenoz…), travaille aujourd’hui son image sur les réseaux sociaux. À partir de la charte déjà établie par l’agence, j’ai conçu des templates de posts, que la maison pourra ensuite décliner en autonomie. Là encore, l’enjeu était de réduire la place du texte pour mettre en valeur le visuel, tout en respectant une grille très stricte.

Ce mois-ci, j’ai appris que le design ne commence pas toujours avec une page blanche. Il s’agit souvent d’interpréter, d’ajuster, d’amplifier. Travailler à partir de cadres définis m’a donné des outils pour affirmer mon regard, affiner ma précision, et donner du sens – même quand on ne crée pas tout, on conçoit toujours.

 La bienveillance peut-elle rimer avec exigence ? 

Lorsque j’ai commencé mon stage chez Saïdath, j’étais prête à m’adapter à un univers que j’imaginais intense, voire stressant. Je m’étais préparée à affronter la pression des délais, la rigueur d’un univers créatif en lien avec des marques de luxe, et une certaine distance professionnelle. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est à trouver un cadre de travail profondément bienveillant et pourtant, aussi exigeant.

L’étonnement est venu de là : comment un tel équilibre est-il possible ? Comment concilier attention portée à l’humain et niveau d’exigence élevé ?

Dès les premiers jours, j’ai été frappée par la manière dont Saïdath encadre le travail : de façon précise, impliquée, mais toujours avec douceur. Elle prend le temps d’expliquer, reformule si nécessaire, valorise les idées, et surtout : ne dramatise pas l’erreur. Le mot « apprendre » revient souvent dans ses phrases, au même titre que « expérimenter ».

Mon cerveau qui tabasse un préjugé

Pourtant, derrière cette souplesse apparente, le rythme de travail est soutenu. Les projets s’enchaînent, les objectifs sont clairs, les délais respectés, les productions rigoureuses, il y a tellement de choses dont j’aimerai vous parler ici mais malheureusement ce n’est pas encore sorti donc il faudra attendre un peu. Ce que je peux dire en revanche c’est que je travaille sur la Paris Design Week et je m’occupe avec Saïdath de toute la partie recherche, DA et c’est à la fois dingue et en même temps je ressens une certaine exigence qui est attendu dans mon travail. 

« J’ai envie de faire quelque chose de grand » 

Saïdath

En temps normal je pars souvent dans tous les sens niveau projet j’ai beaucoup d’idée mais pas les moyens pour les réaliser. Sauf que là j’ai le problème inverse je peux proposer ce que je veux mais je me limite dans mes propositions par peur de manquer de moyen, alors que c’est possible ! C’est un peu marrant. 

Moi totalement pas à ma place chez Maison & Objet

Cela m’a obligée à reconsidérer l’image que j’avais d’un environnement professionnel « sérieux ». Je croyais que l’exigence devait forcément se manifester par la dureté, la distance, voire une certaine forme de pression comme je peux le voir quand elle est en réunion chez l’Oréal. Sauf que ici, l’exigence est présente, mais elle est intégrée à une démarche pédagogique et collaborative. Elle n’écrase pas, elle élève.

Et cela change beaucoup de choses. Parce que je me sens en confiance, je m’autorise à proposer, à tester, à poser des questions. Je n’ai pas peur de ne pas savoir. 

Schéma de ce qu’il se passe pendant un projet

Et paradoxalement, c’est peut-être dans ce cadre détendu que je me sens le plus investie. La bienveillance ne dilue pas la rigueur : elle crée les conditions pour que je sois plus autonome, plus concentrée, plus créative. Elle m’encourage à prendre des initiatives, mais m’offre aussi le droit à l’imperfection.

Cette approche m’interroge sur ma propre vision du travail : est-ce que j’ai intégré malgré moi l’idée que performance et souffrance doivent aller de pair ? Que pour être crédible, il faut forcément se surpasser au risque de se brûler ? Ce stage me montre qu’il existe d’autres modèles, plus équilibrés, plus respectueux. Et qu’ils ne sont pas moins efficaces.

En somme, mon étonnement ne vient pas tant de la bienveillance en elle-même, mais de sa coexistence avec une exigence réelle. Le monde du travail peut être un espace d’exigence sans être un lieu de tension. Et c’est peut-être cette nuance-là que je retiendrai le plus.

Créer c’est aussi savoir communiquer

Mon premier stage, que j’ai effectué avec Giovanni Ambrosio, touche déjà à sa fin. Ce fut une expérience riche et passionnante. J’ai eu l’opportunité de travailler sur ce que j’aime vraiment : la création de sites web et même quelques projets autour de la photographie. J’ai également voyagé en Italie, ce qui m’a permis de découvrir les différences entre deux mentalités professionnelles.

Cependant, cette note d’étonnement portera sur un aspect qui m’a accompagnée tout au long de ces deux mois de stage, et que Giovanni m’avait déjà mentionné lors de notre entretien : la communication.

Dans ce contexte, la communication ne se limite pas à un simple échange d’informations. Elle consiste à comprendre, à travers le dialogue avec le client, quel type de message il souhaite transmettre, quelle image il veut véhiculer et comment adapter la forme à ses objectifs. Autrement dit, avant de concevoir un produit visuel, il faut savoir écouter, poser les bonnes questions, puis guider le client vers des choix cohérents et réalisables. Car beaucoup espèrent un site ou une affiche à la fois beau, peu coûteux et immédiatement rentable. 

BD : communication avec le client

Mais le designer n’est pas un magicien. Il faut souvent passer des heures à déconstruire leurs attentes pour identifier ce qui est réellement essentiel, ce qui est techniquement faisable, et ce qui est cohérent avec leurs moyens.

Autrement dit, la première étape du travail sera toujours le dialogue. Ce qui m’a surprise, c’est que la deuxième étape est en réalité… la stratégie de communication. Avant même de penser au design visuel, il faut expliquer comment celui-ci servira à transmettre le bon message au bon public. Ainsi, le designer devient aussi communicant, marketeur, voire community manager. La question qui revient souvent de la part des clients est : « Combien de clients ce site ou cette affiche va-t-il m’apporter ? »

Cela peut sembler éloigné du cœur du métier, mais c’est en réalité très logique : le design n’existe jamais pour lui-même. Il a une fonction, souvent commerciale. Mais je savais pas qu’il fallait aller aussi loin dans l’analyse, l’argumentation et la pédagogie.

Et bien sûr, si tu travailles en freelance comme le fait Giovanni, tu n’auras pas autour de toi un marketeur, un analyste, un designer UX ou un community manager. Il faut assumer tous ces rôles soi-même et devenir un professionnel polyvalent pour rester compétitif sur le marché.

En fin de compte, j’ai compris que pour beaucoup de clients, la façon dont son produit est communiqué compte parfois plus que le design réfléchi, esthétique et harmonieux. C’est un peu frustrant, car les personnes extérieures au monde du design ne réalisent pas que ce n’est pas censé être la mission première d’un graphiste ou d’un web designer. Mais si on veut travailler aujourd’hui et rester demandé, il faut savoir s’adapter…

En résumé, ce stage m’a permis de découvrir l’envers du décor du métier de designer : un équilibre entre créativité et stratégie de communication.

Le client a-t-il toujours raison ?

Dès le début de mon stage, j’ai été confrontée à cette problématique à travers un projet de motion design pour IALB, une entreprise spécialisée dans l’aéronautique. Avec Matthieu Poli, nous avons conçu une identité visuelle complète pour le motion final. Cette proposition a été validée par le client, et nous avons ensuite avancé en leur présentant régulièrement des extraits en accord avec le brief initial.


Cependant, le projet a rapidement commencé à s’étendre : initialement prévu pour deux jours de production, il a été freiné par une succession de retours fréquents, parfois contradictoires. Certains ajustements demandés étaient annulés dans l’heure suivante,

ou remplacés par d’autres qui allaient à l’encontre de ce qui avait été approuvé. Par exemple : le client n’avais pas de logo pour sont nouveaux produit, Matthieu en avait conçu un sobre et efficace, mais celui ci a été délaissé au bénéfice d’un autre généré par le client via ChatGPT, qui risquait d’être confondu avec d’autres logos déjà dans le motion.


C’est dans ce contexte que Matthieu a dit une phrase :
« Il faut que le client nous fasse un peu plus confiance. »

Cette expérience m’a amenée à me poser la question : quelle est véritablement ma fonction en tant que graphiste ? Dois-je simplement suivre des instructions, ou puis-je défendre une intention visuelle construite, réfléchie ? Quand doit-on s’effacer pour satisfaire, et quand est-il préférable de prendre le temps d’argumenter, d’expliquer ou de proposer autrement ?

En discutant avec mon tuteur, je lui ai posé la question : « Le client a-t-il toujours raison ? »
Il m’a répondu : « Il a ses raisons, mais pas forcément raison. »
Cette nuance m’a aidée à comprendre qu’il ne s’agit pas d’imposer une vision, mais de chercher des équilibres. Il est essentiel d’écouter, sans pour autant tout accepter. Parfois, cela demande des tests, des variantes, ou simplement un peu de pédagogie pour partager nos intentions.

Mon étonnement initial m’a permis de prendre conscience d’un des grands enjeux du métier : apprendre à parler graphisme avec ceux qui ne le pratiquent pas.

Aventure professionnelle, culturelle, humaine

Irang Lim 프로필 & Séoul 서울 

Ma tutrice, Irang Lim, dirige son propre studio de design graphique à Séoul, Studio Phenomena.

Elle incarne à elle seule ces trois dimensions : le professionnalisme, l’ouverture culturelle et une relation humaine authentique et bienveillante.

Dès le début, Irang a abordé le stage avec une approche personnelle et généreuse : elle s’est donnée pour mission de me faire plonger dans la culture coréenne, de m’en apprendre davantage sur Séoul et sur le design graphique, tout en se positionnant comme une référente de confiance à mes côtés.
Cet accompagnement m’a tout de suite rassurée dans cette ville immense et ultra dynamique, où l’on peut facilement se sentir désorienté, aussi bien physiquement que mentalement.

Irang m’a donc fait découvrir la culture coréenne au quotidien : en m’emmenant manger des spécialités locales tous les midis, en visitant des expositions, des palais, des quartiers artistiques et inspirants de Séoul — comme le vieux quartier d’Euljiro, dont elle m’a expliqué qu’il est un lieu de rencontre pour les designers en quête d’inspiration pour leurs projets d’identité visuelle.

Euljiro, Séoul, 23.04.25

Le Hangeul 한글

Irang m’a aussi permis d’expérimenter avec le Hangeul, l’alphabet coréen.
Son compagnon Jinwoo, professeur de design, organise depuis plusieurs années un workshop avec des étudiants européens autour des formes modulaires du Hangeul. J’ai ainsi pu découvrir cet alphabet qui m’était encore inconnu, explorant son aspect modulaire, créatif, graphique.

Expérimentations avec les modules du Hangeul
à mon bureau, au studio, 24.04.25

Hongik Pharmacy 홍익약국

En parallèle d’un projet personnel qu’elle m’a confié — la création d’un design personnel pour une planche de skateboard — Irang m’a également intégrée à un projet professionnel : la conception de l’identité visuelle de la Hongik Pharmacy. Cette pharmacie est située dans le quartier vibrant de Hongdae, fréquenté majoritairement par des étudiants et des étrangers. J’ai pu assister à un rendez-vous professionnel qu’elle a eu avec un studio de design d’intérieur avec qui elle collabore sur le projet.

Hongik Pharmacy à Hongdae, Séoul, 28.04.25

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Le directeur de ce studio était un homme plus âgé dont l’attitude condescendante contrastait avec leur statut égal dans le projet.

Travaillant habituellement sur des projets culturels, Irang a accepté ce projet de branding surtout pour élargir son portfolio. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement attirée par le design à vocation commerciale, c’était justement intéressant d’observer sa manière de s’adapter à une demande nouvelle.

Cela m’a permis de réfléchir à la posture du designer, au genre, et à la place de la création graphique dans des projets transdisciplinaires.

Quelle crédibilité quand on est une femme à la tête de son propre studio ? 
Comment avoir confiance en son travail ? 
Comment s'adapter à des projets plus commerciaux ? 
Et donc, se démarquer face à une demande précise et rigide ? 

Enfin, sur le plan humain, Irang est très attentive au traitement des stagiaires. Ayant elle-même vécu une mauvaise expérience en tant que stagiaire, elle fait en sorte que mon stage soit réellement formateur et enrichissant. Elle prend soin de moi avec beaucoup d’attention, de confiance, d’ouverture d’esprit. Nous avons de nombreuses discussions profondes sur des sujets variés, et cette complicité rend l’expérience encore plus précieuse !

안녕히 가세요

Quand le design transmet des valeurs

Je n’arrive pas à croire que presque quatre semaines de mon stage se soient déjà écoulées. L’expérience s’avère bien plus agréable et facile que je ne l’imaginais. Je m’entends très bien avec mon tuteur Giovanni, bien que je pense que le fait de travailler en binôme y contribue grandement.

Durant cette période, nous avons travaillé, en parallèle d’autres projets, sur son initiative personnelle : EXTRA. Il s’agit d’un kit d’outils visuels modulaires destiné aux programmes artistiques indépendants, aux espaces gérés par des artistes, aux associations, aux artistes individuels et aux collectifs, comprenant un kit d’affiches et un kit pour les réseaux sociaux.

L’idée est de fournir un instrument professionnel mais accessible, que différents collaborateurs au sein d’associations ou de collectifs pourraient utiliser directement, y compris ceux qui n’ont jamais abordé le design graphique. Nous avons veillé à ce que chaque élément soit expliqué et que les étapes d’utilisation des modèles soient claires et simples.

Page du PDF explicatif fourni avec le kit EXTRA

Même si ce travail n’est pas rémunéré pour Giovanni, nous y avons investi beaucoup de temps et d’efforts, car il représente avant tout une prise de position forte en faveur d’un design accessible à tous et constitue une excellente opportunité pour accroître sa visibilité et générer un trafic organique vers son site portfolio.

C'est précisément cela qui m'a fait penser que défendre ses convictions personnelles dans ses projets peut s'avérer bénéfique.

Dans une certaine mesure, en tant que graphiste, mes opinions influenceront toujours mon travail, mais Giovanni, par exemple, les transmet dans presque tous ses projets. Ce faisant, il se forge un nom et une reconnaissance. Il est donc logique que des personnes partageant ses principes de travail soient naturellement attirées vers lui et deviennent ensuite des clients avec lesquels il est beaucoup plus facile de collaborer qu’avec des personnes avec lesquelles on a des divergences de vues.

Et même le fait qu’il partage gratuitement ses créations attire des personnes qui n’ont peut-être pas les moyens de s’offrir les services d’un graphiste professionnel pour le moment, mais il y a de fortes chances qu’elles fassent appel à lui à l’avenir, ayant apprécié la qualité de son travail et le fait de l’avoir obtenu gratuitement.

En réalité, je trouve que c’est une approche du travail plutôt intéressante à laquelle je n’avais jamais pensé auparavant. Se dire à chaque fois que ce que l’on transmet dans un projet destiné à des personnes extérieures, potentiellement de futurs clients, sera inévitablement associé à soi en tant que graphiste. Et si ces personnes ne partagent pas certaines de vos opinions exprimées dans votre travail, elles choisiront de s’adresser à quelqu’un d’autre. Inversement, si les personnes qui vous contactent l’ont fait précisément parce qu’elles ont été sensibles à ce que vous transmettez, la collaboration et la communication seront beaucoup plus simples, car vous regardez dans la même direction. Et même si elles sont en désaccord sur certains points, il sera beaucoup plus facile de les convaincre des choix artistiques, par exemple.

Illustration : ma vision de la répartition des clients entre freelances

J’espère avoir l’occasion de voir le résultat de notre travail au cours des prochaines semaines de mon stage, car ce projet n’est pas encore terminé. Et à l’avenir, il serait intéressant de discuter avec Giovanni des clients qu’il a pu acquérir grâce à ce projet et de vérifier si ma théorie fonctionne vraiment dans le monde professionnel.

 Les plis du quotidien 

Je réalise mon stage chez Saïdath Ouabi, une designer pluridisciplinaire qui travaille entre design d’objet, de mode, architecture et graphisme. Depuis mon arrivée, je l’accompagne principalement sur la partie communication visuelle autour de son projet La Chaise Couture, une assise habillée de “robes” textiles, à la croisée du mobilier et de la mode. Je m’occupe de la notice d’utilisation, du packaging, ainsi que de la stratégie de communication (réseaux sociaux, newsletter…), tout en l’accompagnant ponctuellement sur des shootings photo ou des projets annexes, comme des visuels pour des marques de vêtements.

Croquis jupe en tulle

Ce qui m’a le plus étonnée au début du stage, c’est l’ambiance de travail : calme, chaleureuse et profondément humaine. On n’est que deux au bureau, et loin de l’image stressante que je me faisais d’un stage dans le design, tout est ici très fluide. Saïdath est attentive à mon bien-être, ne me met pas de pression inutile, respecte mes horaires et me rappelle souvent que je suis là pour apprendre. Elle me dit que l’entreprise ne repose pas sur moi, et que mes éventuelles erreurs feront partie de l’apprentissage. Cette bienveillance m’a vraiment surprise : je m’attendais à un univers tendu, exigeant, surtout en lien avec des marques de luxe. Et pourtant, malgré le sérieux des projets, la pression constante n’est pas présente.

Croquis de Saïdath et moi au bureau

Cette expérience m’a fait réfléchir à ma propre vision du travail. J’ai toujours eu tendance à associer efficacité à intensité, voire à épuisement. Ici, j’avance à mon rythme, dans un cadre structuré mais souple. Je me rends compte que l’on peut être engagée, productive, créative, sans sacrifier son équilibre. Cela m’a un peu troublée au début, car j’aime ce que je fais et j’ai naturellement envie de donner le maximum. Mais je commence à comprendre qu’il est aussi important d’apprendre à poser des limites, et à ne pas tout miser sur la performance.

Croquis de l’atelier où se déroule la partie textile

J’ai aussi été surprise par le dynamisme de son activité : je pensais qu’en freelance, le quotidien serait plus calme, moins chargé. Mais Saïdath multiplie les projets, les collaborations, les rencontres : réunions pour la Paris Design Week, rendez-vous avec Maison&Objet, l’Oréal, galléries parisiennes, échanges avec des stylistes ou des designers… Ça bouge beaucoup, et j’ai la chance de pouvoir assister à tout ça, souvent en coulisses. Cette diversité m’apprend énormément. Je touche à tout, je suis impliquée dans plusieurs tâches, et surtout, mes idées sont écoutées. Je ne me sens pas du tout cantonnée à un rôle d’exécutante : j’ai une réelle autonomie, tout en étant accompagnée. On fait des points réguliers, je propose, j’expérimente, et je me sens utile.

Stock des chaises (no spoil)

Ce stage me pousse à reconsidérer certains clichés sur le monde du travail, notamment dans les domaines créatifs. Il me montre qu’il est possible d’évoluer dans un cadre exigeant sans se sentir oppressée, de collaborer avec rigueur sans rigidité, et surtout, de construire une relation de confiance où chacun apprend de l’autre. J’en ressors motivée, inspirée, et un peu plus confiante dans ma capacité à trouver ma place dans ce milieu.

WeLoveJungle

J’entame ma 4ème semaine chez WeLoveGreen… et ma rencontre avec l’événementiel fût soudaine (pour ne pas dire brutale). Alors, ça peut paraître négatif quand je dis ça, mais en réalité ça me change entièrement de l’environnement que j’aurai pu expérimenter dans un studio graphique quelconque.

Dès le premier jour, on me présente l’équipe, le lieu etc…. Et PUIS, D’UN COUP D’UN SEUL, je vois la quantité de fichiers, d’échanges, de deadlines qui se trament derrière un aussi gros festival qu’est WeLoveGreen. Et c’est à ce moment précis que je me suis vue perdue au beau milieu d’une jungle professionnelle où tout semble s’enchaîner.

Je suis contente d’avoir un stage dans l’événementiel mais aussi d’en avoir déjà vécu un dans un studio graphique : cela peut me permettre de voir vraiment les différences entre les deux. Avant de rentrer chez WeLoveGreen, j’avais une image très floue de ce qu’était réellement l’événementiel et toute l’organisation et les échanges nécessaires. Un open space, 6 pièces de travail, beaucoup d’ordinateurs pour une bonne trentaine de personnes (sans compter la soixantaine d’autres personnes que je n’ai jamais rencontré). Et ceci pour 5 pôles principaux : Communication / Développement durable / Partenariat / Administration / Direction. Je fais partie du pôle communication où l’on est 4 graphistes, 2 responsables communication, 3 gérants des réseaux sociaux/newsletters. 

Donc autant dire que 3h après être arrivée pour la première fois, tout ça m’arrive en pleine tête… Je me suis directement dit que le temps d’adaptation allait être long. 

Illustration : comment j’ai vécu la première semaine

Les premières phrases que l’on m’a dit n’ont pas arrangé l’appréhension que j’avais : « Va falloir s’accrocher ! » « Ça va enchaîner ! »… En effet, pour ce qui est de notre pôle communication, on doit produire en quantité : une multitude d’affiches sous divers formats, newsletters, spot tv, réseaux sociaux, appli, et j’en passe. Je me dis que la quantité de supports à produire est censée pour l’ampleur du festival ainsi que pour sa promotion. Mais c’est surtout les deadlines qui m’ont interpellée :

BD : Un des premiers briefs du pôle communication…

En fait, j’ai vraiment cette impression que moi et les autres graphistes avons des missions très souvent dans l’urgence. La première fois que je m’en suis directement rendue compte, c’est le jour où je devais produire une vidéo J-50 pour Instagram. Laura me donne le brief à environ 14h :

Laura : « – Du coup c’est tout bon pour toi ? Hésite pas à me poser des questions si besoin.

Moi : – Oui ça marche, merci !

Laura – Par contre, c’est à rendre pour ce soir.

Moi : – ….. ah d’accord je savais pas. »

Puisque je m’occupe quasiment que de la partie réseaux sociaux (divers types de posts, réels Instagram, tiktok), il faut toujours être à jour sur ce que l’on va poster le jour même ou dans les jours à venir. Mais je me demande si cette notion « d’urgence » est récurrente dans le monde de l’événementiel ou si parfois ça n’atteint pas les limites d’une mauvaise communication ou d’anticipation. 

selection de quelques posts, réels sur lesquels j’ai été missionnée

Je pense que je pourrais répondre à cette question et avoir un meilleur recul d’ici les prochaines semaines à venir : quand le rythme s’accélérera vraiment.

Perdue dans le langage de la télévision

Avant ce stage, le monde de la télévision c’était flou, voire inexistant dans mon imaginaire. Un truc de vieux. Je ne connaissais ni les codes, ni le vocabulaire, encore moins les contraintes. Je consommais de l’image, mais sans jamais penser à ce qui l’encadrait. L’habillage, l’autopromo, les jingles, les idents, les BA, les bugs antenne… C’était juste du bruit de fond.

Et puis j’ai débarqué chez Motion Fan Club : une agence de design graphique basé à Paris, spécialisé dans l’identité visuelle en mouvement. L’agence conçoit des habillages pour des chaînes de télé, mais aussi pour des expos, des plateformes, des campagnes digitales ou culturelles. C’est un univers ultra-codé, mais très vivant. Ici, le design est dynamique, précis, souvent millimétré et c’est fascinant.

Les conditions de travail y sont particulièrement agréables : bienveillance, exigence et autonomie cohabitent sans conflit.

Moi je suis tombée direct dans le feu de l’action. On me briefe à la volée, je propose, j’essaie, je teste, je recommence. L’ambiance est fluide, et malgré mes appréhensions, mes idées sont prises au sérieux dès le départ. Je travail en collaboration avec le Directeur artistique sur des fichiers partagés en réseau : on est dans un échange constant. Et ce qui me plaît, c’est la création en continu avec la conception de systèmes graphiques et l’élaboration de plusieurs pistes.

On produit beaucoup, vite, parfois plusieurs projets en même temps, pour des clients très différents : Depuis le début de ce stage j’ai été amené a travailler sur une chaîne de sport d’Outre-mer qui veut se détacher de l’identité France TV, ainsi que sur une toute nouvelle chaîne d’info locale (Novo19) dérivé de ouest France qui s’installe suite au départ du groupe C8.

J’ai dû apprendre un nouveau vocabulaire, « le langage télé ». Une grammaire complète où chaque visuel est pensé comme un kit ultra structuré :

→ L’habillage antenne, c’est un logo animé, un claim, un univers sonore.

→ L’identité visuelle JT, ce sont des bugs, des bandeaux, des mentions éditables, du scroll, une horloge…

→ L’autopromo, ce sont les packshots, les bumpers, les annonces “ce soir” / “demain” déclinées pour toutes les plateformes.

Condensé des 3 formes de bases de l’habillage TV

→ Et chaque élément doit être décliné pour le digital, le replay, les réseaux sociaux.

Au début, tout ce vocabulaire me paraissait abstrait, un vrai charabia. Maintenant je commence à comprendre les attentes, les différences entre un teaser événementiel et un kit d’autopromotion. Je sais lire plus ou moins lire un brief, décoder les besoins. Et surtout, je découvre à quel point le client peut avoir des exigences visuelles précises : il veut du “cinéma”, du “blockbuster américain”, alors que l’agence essaie de maintenir une exigence graphique. Il faut donc apprendre à s’adapter, à négocier, à traduire une intention floue en image claire. À chaque fois, l’enjeu est de rester créatif sans perdre l’efficacité du message.

Un autre choc : les budgets. Parfois 200k€ pour un habillage d’antenne. Et l’usage de l’IA générative comme Midjourney pour certains visuelles animés peut être utilisés afin de réduire les coûts de tournages ou d’éviter des droits d’images ( exemple, images d’enfants )

Je ne peux malheureusement pas montrer de visuels pour l’instant, car tant que les projets ne sont pas finalisés et diffusés, ils restent confidentiels.

Pour conclure, je découvre un champ entier du design que je ne connaissais pas, avec ses règles et ses enjeux. C’est intense, rapide, plein de jargon, mais aussi hyper stimulant. Je vois mieux comment une chaîne de télé construit une identité, et ça me donne envie d’aller plus loin dans cette direction. Finalement, même si je viens d’un autre monde, je commence à parler leur langue.

Présenter un projet

Le stage touche à sa fin et j’ai pu apprendre de nombreuses choses, comme des termes techniques, la gestion des relations avec les clients, et les nombreuses étapes nécessaires pour mener à bien un projet. En découvrant ces différentes étapes, j’ai été surprise de constater combien il est long et complexe de présenter un projet à un client.

J’ai eu l’occasion de développer un projet de A à Z, ce qui m’a obligé à explorer des pistes créatives. Pour la présentation au client, j’ai dû consacrer plus de temps à créer des visuels qu’à élaborer ma proposition initiale. Cela m’a fait réfléchir à l’importance d’une bonne présentation et au rôle crucial qu’elle joue dans le métier de graphiste. J’ai pu alors me questionner sur Quel rôle en tant que créatif à le Graphiste ? Etre commercial un atout dans notre métier ? ou encore Comment bien faire comprendre ses idées à un client ?

Avant toute chose, pour être le plus précis possible, il faut comprendre son client et l’origine de sa demande. Voici un aperçu des étapes cruciales que j’ai mises en place pour présenter mon projet :

Savoir présenter ne se résume pas à montrer sa proposition ; il faut également illustrer les aspects techniques de l’objet (par exemple, des tracés techniques avec dimensions, systèmes d’ouverture ou de manipulation pour des cartes, etc.). Il est également essentiel de détailler les coûts de réalisation, les matériaux nécessaires, les différentes références Pantone utilisées, et de fournir des simulations sous divers angles de l’objet graphique. Ces éléments permettent aux clients de mieux comprendre notre démarche.

J’ai pu alors me questionner sur le rôle du graphiste. Celui-ci ne se contente pas de réaliser des propositions graphiques et d’expliquer son projet, il joue également un rôle de facilitateur graphique. Il doit aussi bien connaître son client et anticiper les éventuels aspects négatifs ou les retours qui pourraient parfois bloquer le développement de certaines propositions. Savoir anticiper et écouter les différentes demandes permet de développer un dossier de présentation précis. 

En réalisant cela, je me suis rendu compte que presque la moitié de mon temps était consacré à développer un dossier précis et intuitif pour que le client puisse comprendre facilement le projet, surtout dans de grandes entreprises comme VCA qui comptent de nombreux employés ou le dossier sera forcément relayer. En tant que graphiste, il est essentiel de savoir dialoguer, échanger et prendre en compte les demandes des clients. Bien vendre son projet est crucial ; il faut toujours connaître la faisabilité de l’objet et montrer au client que nous sommes bien informés. En effet, en tant que graphiste, il faut parfois aussi être commercial.

Pour conclure, le graphiste joue un rôle majeur de facilitateur graphique et porte de nombreuses casquettes. Contrairement à l’idée reçue ou la majorité du temps est consacrée à la recherche d’idées créatives et à leur réalisation, une grande partie du travail consiste à présenter son projet. C’est cette étape qui permet de concrétiser les idées. En vendant bien son projet, on peut avancer dans les étapes de création. Maintenant, je ne sous-estimerai plus cette étape, qui permet d’apporter tous les détails et précisions nécessaires et d’assurer la satisfaction du client.

Le stage se termine et j’en retiens une très bonne expérience. Je remercie Marine et Jean-François d’avoir pris le temps de m’expliquer, de me montrer et de m’intégrer à de nombreux projets graphiques, tous plus enrichissants les uns que les autres !