Le graphisme comme seul langage

Le graphisme peut-il se suffire à lui-même pour être compris et partagé ? I mean peut-on communiquer uniquement par le visuel ? 

La fin de mon stage et de ce voyage approche…🤧🥺 Il ne me reste déjà plus que 2 semaines et cela fait 3mois que je suis ici pourtant, j’ai encore du mal à mesurer l’ampleur de cette expérience, tant elle a été intense, mémorable et à jamais inoubliable. 

Si je devais revenir sur un point essentiel pour cette 3ème et dernière lettre d’étonnement, ce serait sans hésiter la question de la communication et plus précisément celle de la barrière linguistique, qui a marqué l’ensemble de mon stage.

Je n’aurais pas pu survivre sans eux…

Ma plus grande appréhension avant de commencer ce stage était la barrière de la langue, et les difficultés de communication que cela pouvait engendrer, notamment dans la présentation de mes idées. Durant mes études, j’ai toujours eu recours au langage verbal pour accompagner mes projets : que ce soit pour clarifier des concepts abstraits difficiles à traduire graphiquement, ou par manque de temps pour soigner les visuels. Mais pour ce stage dans un pays étrangers j’ai été contraintes de changer mes habitudes de travail radicalement : pour moi dans cette entreprise, tout repose (pour ne pas dire totalement) sur ce que je montre et produits. 

  • 80% LANGAGE VISUEL
  • 20% LANGAGE ORAL / BODY LANGUAGE

Cela a complètement changé ma manière de présenter mes idées. Mes supports visuels sont devenus mon principal outil de communication. Il fallait qu’ils parlent d’eux-mêmes. J’ai donc appris à les rendre les plus clairs, explicites et complets possible : fichiers bien organisés, croquis, références visuelles, annotations, flèches, mots-clés, codes couleurs… tout était bon pour renforcer l’autosuffisance de mes propositions graphiques.

Fichier organisé par code couleur, avec calques et effets nommés en coréen sur Photoshop, accompagné de croquis annotés par des flèches

Quant à elles, mes collègues coréennes, accompagnaient souvent leurs présentations de longs développements oraux, même à partir de croquis très simples. Ce que je ne pouvais bien évidemment pas faire, je devais alors compenser ce que je ne pouvais pas dire à l’oral par un surplus d’effort visuel. Pour exprimer la même chose, je devais souvent aller plus loin graphiquement.

C’était exigeant, mais extrêmement formateur. Cela m’a poussée à structurer mes fichiers avec précision, à penser mes visuels non plus comme un accompagnement, mais comme le message en lui-même. Cette contrainte a été, en réalité, une chance : je pense que je n’aurais pas développé cette exigence aussi rapidement en France, où le recours à la parole est plus systématique (et parfois par réflexe… ou par flemme).

Les demandes de travail aussi se faisaient en grande partie par le visuel. Une collègue m’envoie un fichier via AirDrop ou Kakaotalk , vient me montrer des zones, des formes, des couleurs… en parlant rapidement en coréen. J’écoute, j’observe, je déduis : ses gestes, les intonations de sa voix, son langage corporel me donnent des indices. 

Le traducteur vocal que j’utilise me permet une première compréhension, mais elle reste très approximative. Je dois donc souvent recouper les infos, passer par ChatGPT pour affiner, et surtout me fier à ma mémoire des visuels qu’elle m’a montrés. C’est un vrai jeu de déduction à apprendre sur le tas.

Un infime aperçu de toutes les traductions que j’ai dû faire…

Ce décalage m’a appris à faire avec les zones d’ombre, à ne pas poser de questions inutiles, à interpréter les attentes à partir des indices reçus. Et finalement, cela m’a rendue presque totalement autonome dans mon travail. Jusqu’ici, je n’ai rencontré aucun malentendu majeur ou hors sujet preuve que le langage graphique, bien maîtrisé, peut réellement être universel. 


Le graphisme permet de transmettre énormément de choses, parfois même l’essentiel, sans avoir besoin de mots et peut être un véritable langage universel  comme l’art pariétale qui nous as permis de comprendre les civilisation antérieurs juste à travers des formes et couleurs qui peu parfois être bien plus puissant que les mots et compréhensible par tous. Mais le langage verbal reste un atout précieux pour enrichir, nuancer et clarifier les intentions, mais le fait de ne pas maîtriser la langue coréenne, que je considérais au départ comme un désavantage, m’a finalement poussée à renforcer des aspects fondamentaux du métier de designer graphique : la précision, la clarté, l’anticipation, l’autonomie… et surtout, la capacité à faire parler mes images d’elles-mêmes.

L’auto-apprentissage dépend-il toujours d’un cadre et d’un accompagnement ?

Cela fait maintenant une semaine que mon stage en entreprise a pris fin.

Ces derniers mois j’ai principalement travaillé en tant que monteuse vidéo sur des interviews et documentaires ce qui me changeait des tâches que j’effectuais depuis le début du stage. L’avant/après entre le début et la fin était pour moi très différente, dans les tâches effectuées comme dis précédemment, mais aussi dans l’encadrement, la méthode de travail et l’apprentissage.

En effet, lorsque je suis arrivée mon travail était supervisé par mon tuteur, ce qui est sensé évidemment, et je connaissais bien les logiciels avec lesquels je travaillais. Mon apprentissage passait par mon tuteur, l’environnement et les observations que j’effectuais.

Ainsi, cette période d’accompagnement initial m’a permis de me familiariser avec les attentes de l’entreprise et d’être plus précise techniquement sur les logiciels. 

Mais cela à changé lorsque l’on m’a lancé sur différents montages impliquant des outils et logiciels que je ne maîtrisais pas encore, je ne les avais même jamais ouvert. Je pensais que la méthode d’apprentissage serait la même et que mon tuteur en ferait partie mais il ne les maîtrisait pas non plus. Il m’a donc encouragé à explorer par moi-même ces logiciels.

Dès lors, s’en ai suivi des jours à chercher des tutoriels, à essayer, à rater et à recommencer. C’était une période très stimulante m’évoquant mes débuts en graphisme.

Apprentissage de l’étalonnage vidéo sur Première Pro

Ainsi, pendant cette période de stage j’étais un peu en auto-apprentissage avec une démarche personnelle, un effort de recherche et d’expérimentation autonome. Cependant, il y avait tout de même un cadre avec des attentes précise.

Je me suis donc demandé: peut-on véritablement évoluer de manière autonome, ou un encadrement et un accompagnement sont-ils toujours indispensables à la progression ?

Même si j’étais livrée à moi-même pour comprendre ces nouveaux outils, je n’étais pas totalement seule. Il y avait des délais, des attentes, des rendus à faire. Cela suffisait à poser un cadre autour de mon apprentissage, même s’il était moins visible. J’étais libre d’expérimenter, mais dans une direction précise. C’est ce mélange de liberté et de contraintes qui, je pense, m’a fait progresser.

Avec du recul, je réalise que l’auto-apprentissage a toute sa place, surtout dans un domaine comme le graphisme ou le montage, où les outils évoluent sans cesse. Mais on n’apprend jamais complètement seul. Il y a toujours quelque chose autour de nous, un objectif, une personne, une structure, qui guide, même indirectement, notre progression.

Progression d’apprentissage

Le fait de devoir me débrouiller avec des logiciels que je ne connaissais pas m’a obligée à sortir de ma zone de confort. C’était difficile, mais très formateur. Et même si mon tuteur ne maîtrisait pas ces logiciels, il restait présent pour m’encourager, pour échanger, pour me rappeler les objectifs finaux.

Je pense donc qu’on ne progresse pas seul au sens strict. Même dans l’auto-apprentissage, on s’appuie toujours sur un cadre, sur un environnement ou sur des interactions. Ce stage m’a permis de comprendre que l’autonomie ne veut pas dire isolement, et que l’apprentissage, pour être vraiment efficace, a besoin à la fois de liberté et de repères.

Créer, c’est décider

Au fil des semaines, j’ai compris que la création s’accompagne surtout d’un acte moins visible mais fondamental : la décision.

Chaque projet auquel j’ai participé m’a confrontée à des choix esthétiques, techniques et/ou stratégiques mais toujours à prendre vite, et dans un cadre complexe.

Le meilleur exemple, c’est le chantier colossal du groupe M6. Suite au rachat et au regroupement de plusieurs chaînes (W9, 6ter, Gulli, Téva, RTL,ParisPremière etc.) dans une plateforme commune, M6+, il a fallu repenser une grande partie des logos, des noms et des cohérences visuelles entre les marques. On a dû modifier certains logos, (notamment trouver une nouvelle formalisation en 2D car la 3D n’est plus en phases avec les tendances graphiques ), adapter des univers très identifiés à un ensemble plus cohérent, mais aussi concevoir un nouveau logo pour “M6 Groupe”, qui rassemble toutes ces entités sans les faire se marcher dessus.

Tout cela sous deux contraintes fortes :

• un timing rapide pour valider, produire et livrer les premières versions

• une grande responsabilité : M6 est une marque puissante, et chaque ajustement a un impact large.

Même chose avec le projet du journal télévisé de la chaîne Nouvelle 19 (liée à Ouest France). Le brief : imaginer l’habillage complet de leur JT de l’identité visuelle au générique, en passant par les jingles, les animations d’antenne et la proposition de logo. Là encore, il a fallu trancher très vite : le travail se faisait en équipe, et devait être transmis rapidement aux monteurs / motion designer, pour que l’habillage prenne vie sans perte de temps. Choisir une typographie, valider une intention d’image ou un rythme de transition, ce n’était pas “une étape parmi d’autres” : c’était le cœur du travail.

J’ai aussi travaillé sur une future émission Canal+ portée par Antoine de Caunes, autour du cinéma, dans l’esprit du “Cercle”. Il a fallu concevoir une identité graphique déclinable pour tous les écrans plateau, jingles, transitions, générique. Là encore, créer une esthétique, c’est concevoir un système : une mécanique qui fonctionne visuellement, mais aussi facile à décliner pour les équipes internes. Et cela suppose de prendre rapidement les bonnes décisions sur les couleurs, les formes, les hiérarchies d’info, le ton, etc. pour que le motion designer puisse ensuite passer à l’animation dans la foulée.

Je pensais que décider en création signifiait souvent “couper” dans ses idées, renoncer. Mais j’ai appris que c’est l’inverse : décider, c’est clarifier. C’est aller à l’essentiel, dégager une intention forte, lisible, efficace.

C’est aussi une forme d’autonomie que je ne pensais pas avoir si tôt : j’ai été amenée à prendre des décisions graphiques qui avaient un vrai poids dans les projets, car il fallait que ça avance, que ce soit cohérent, et que ce soit beau.

Enfin, ce stage m’a aussi permis de comprendre que dans la création contemporaine, notamment dans le domaine de l’image animée ou du branding télé, la rapidité n’est pas l’ennemie de la qualité.

On peut créer vite et bien, à condition de savoir s’adapter, faire confiance à son œil, à son intuition, et à son équipe.

Loin de me brider, ces délais m’ont au contraire poussée à me recentrer sur ce qui fait sens. J’ai appris à faire des choix, à défendre des directions, à travailler plus efficacement, mais sans sacrifier ma créativité.

Créer, c’est décider et aujourd’hui, je me sens bien plus capable de le faire.

Apprendre autrement : le stage nous forme-t-il mieux que l’école ?

Pour cette dernière note, il me semblait intéressant de poser la fameuse question : le stage est-il plus formateur que l’école, ou nous apprend-il simplement différemment ?
Bien sûr, la réponse dépend de la qualité de l’enseignement et du stage. Ici, je parle avant tout de mon expérience et de ce qu’elle m’a apporté.

Ces trois derniers mois m’ont fait réaliser à quel point le stage et l’école n’enseignent pas de la même façon. Je ne dirais pas que l’un est “plus formateur” que l’autre, mais plutôt qu’ils se complètent et nous apprennent des choses différentes.

À l’école, on travaille souvent dans un cadre assez libre. On peut explorer, tenter des choses, chercher notre style, sans forcément penser à des contraintes externes. C’est une période d’expérimentation qui permet de se concentrer sur le fond et sur la créativité. Mais en stage, on entre dans une autre logique : il faut répondre à des attentes concrètes, respecter des délais, s’adapter à des demandes précises.

Ici, je me suis retrouvée face à des contraintes nouvelles : des chartes graphiques imposées, des logos à intégrer, des informations à hiérarchiser… Et même si ces règles limitent parfois la liberté créative, elles m’ont permis de mieux comprendre la réalité du métier. J’ai aussi dû reprendre des fichiers créés par d’autres graphistes. Ça m’a beaucoup intéressée de décortiquer leur travail : voir comment ils construisent leurs visuels, comprendre leur logique, et m’en inspirer pour améliorer mes propres méthodes.

Sauvez un graphiste, nommez vos calques

Travailler en équipe a aussi changé ma manière de réfléchir. Quand une idée venait d’un collègue, je devais trouver comment la réaliser techniquement. Parfois ça me poussait à sortir complètement de ma zone de confort et à apprendre de nouvelles techniques. C’est un apprentissage plus spontané, qui vient directement du besoin de résoudre un problème.

Un exemple concret : dans mon stage, Photoshop est très utilisé. Ce n’est pas un logiciel vers lequel je me tourne naturellement, mais ici j’ai dû m’y plonger. À force de pratique, j’ai compris ce qu’il pouvait m’apporter et j’ai gagné en confiance dessus.

La détresse

Au final, je ne dirais pas que le stage m’a appris “plus” que l’école, mais il m’a appris autrement. Là où l’école nous donne le temps d’explorer, le stage nous confronte aux réalités du métier : contraintes, travail en équipe, efficacité. C’est une expérience complémentaire qui m’a permis de progresser différemment, tout en me faisant réfléchir à ma façon de travailler.

Une équipe aux contours flous

En étant un peu plus curieux ces dernières semaines, j’ai été quelque peu surpris par la composition même de l’équipe. En posant des questions, j’ai pu avoir plus de précisions sur les rôles de chacun et j’ai compris que sur place, il n’y avait que quelques véritables employés fixes. Tout le reste de l’activité repose sur une organisation plus dispersée : des stagiaires, présents comme moi pour une durée limitée, et des freelances, souvent à distance, qui interviennent ponctuellement selon les besoins.

Au quotidien, le studio travaille presque exclusivement pour Platform21, une autre structure fondée par les mêmes personnes que HWT. C’est ce lien étroit qui rend la situation un peu particulière : on travaille pour un « client », mais ce client est aussi une sorte d’extension du studio. On est à la fois HWT et à la fois Platform21, selon le contexte, les supports ou les interlocuteurs. Cela brouille encore un peu plus les rôles et les frontières.

Je me suis rendu compte que je ne faisais pas partie d’un pôle bien défini avec des collègues aux responsabilités stables. Ici, c’est presque l’inverse. Mon tuteur est à la fois chef de projet, parfois designer, communicant et coordinateur. Il centralise le lien entre tous les intervenants et assure à lui seul la continuité de l’ensemble. Les autres collaborateurs gravitent autour selon les projets, les périodes ou les urgences.

datavisualisation de l’organisation de l’entreprise

Cette configuration atypique m’a obligé à m’adapter. J’ai dû être autonome, proactif, parfois même anticiper les attentes sans cadre strict, ce qui fait que la plupart du temps mes productions ne correspondaient pas aux attentes. Mais paradoxalement, cela m’a aussi permis de prendre plus de place, d’être réellement impliqué dans la production de contenus visuels, vidéos, photographiques ou animés. Ce modèle d’équipe allégée m’a donné l’occasion de mobiliser l’ensemble de mes compétences et de mieux comprendre le fonctionnement global de l’entreprise.

processus de travail…

Mais cette organisation pose aussi des questions. Peut-on réellement construire une dynamique d’équipe durable quand celle-ci est en grande partie virtuelle ou temporaire ? Que devient la notion de collectif quand chacun travaille de manière isolée ? L’absence de structure hiérarchique claire peut parfois être une force, elle permet de gagner en souplesse, mais elle rend aussi certaines choses plus floues : responsabilités, limites, demandes, cahier des charges. Et ces dernières semaines, je l’ai vraiment ressenti. Parfois, les demandes sont différentes d’une personne à une autre, les instructions peuvent changer sans que tout le monde soit au courant, et j’ai dû m’adapter à tout ce système.

Ce stage m’a fait découvrir un modèle hybride, à mi-chemin entre studio de création, startup éducative et réseau de collaborateurs. Un modèle qui fonctionne ici grâce à la légèreté des projets, la cohérence de la vision et un bon équilibre entre autonomie et confiance. Ce n’est peut-être pas un modèle généralisable, mais il m’a appris qu’il est possible de concevoir une entreprise autrement, moins figée, plus fluide, mais pas sans exigences.

Travailler en solo : quelle flexibilité ?

Irang, ma tutrice, a fondé son propre studio il y a cinq ans et exerce en tant qu’indépendante. Son statut, proche de celui d’une freelance, lui permet de travailler seule et à son compte.

Ce qui m’a étonnée tout le long du stage, c’est la flexibilité de son statut.

En effet, travailler en solo lui permet de :

Cela lui permet aussi, vis à vis de moi, de m’emmener :

Cette liberté rend mon apprentissage à la fois riche et polyvalent, et me permet de découvrir Séoul. Elle m’amène aussi à réfléchir plus profondément sur ce statut, car j’ai remarqué que cette flexibilité s’accompagne aussi de certains défis.

En effet, ma tutrice est en partie contrainte par ses clients car :

ou encore :

Alors, je me suis demandée : 

Jusqu’à quel point un designer à son compte est-il flexible, sachant qu’il dépend de ses clients et de son statut ?
Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de clients et comment rebondir ?
Comment s’organiser lorsqu’on travaille sur plusieurs projets en même temps ? Quelles priorités fixer ?
Être designer graphique à son compte engage-t-il de la même manière qu’en studio ?
Ce statut permet-il de rester péren·ne ? 

J’ai appris que comme toujours, cela dépend.

Qu’aucune période ni temporalité de projet ne se ressemble, qu’il faut s’adapter et s’organiser en fonction.

Qu’il faut équilibrer les projets longs et courts, mais toujours être ouvert à des propositions de projets, car il y aura peut-être un jour où la demande ne sera pas aussi importante. Que l’idée est aussi de fidéliser les bons clients, pour éviter de repartir de zéro à chaque fois.

Qu’il s’agit d’anticiper, prioriser, savoir dire non, communiquer, entretenir son réseau… Bref ; beaucoup de travail, mais de ce que j’ai pu observer, ça vaut le coup !

Compétences en mouvement

Depuis quelques semaines en stage chez HWT d.o.o, une agence de communication, j’ai été surpris par l’aspect fluide et polyvalent de mon rôle. Sur le papier, je suis là pour du design graphique. Mais très vite, en proposant de nouvelles idées et directions, il est devenu évident que mon travail allait s’étendre à bien d’autres domaines. Ce glissement s’est fait assez naturellement, en fonction des besoins du moment et de ce que je pouvais proposer.

dessin de moi qui travaille et montre mon ajout du motion à ma tutrice

L’entreprise développe une plateforme nommée Platform21, qui propose des formations européennes destinées aux enseignants. J’ai d’abord commencé à créer des visuels pour promouvoir ces formations, en m’appuyant sur mes compétences de graphiste. Mais j’ai aussi pris l’initiative d’y ajouter du motion design, en animant certains contenus. Cela a enrichi les supports produits tout en ouvrant de nouvelles portes à mon rôle de stagiaire au sein de l’entreprise.

Au fil du temps mes missions se sont diversifiées au fur et à mesure que je mobilise mes connaissances et capacités. J’ai notamment eu l’occasion de réaliser des montages vidéo ou encore plus récemment de photographier les participants lors des sessions de formation, Ces tâches m’ont permis de participer à la fois à la communication visuelle et à la documentation des projets. Elles m’ont aussi permis de voir de plus près les personnes concernées par ces formations et de mieux comprendre ce que fait l’entreprise au quotidien.

moi qui porte pleins de casquettes parce que (par rapport à l'expression "avoir plusieurs casquettes")

Ce qui rend cette expérience particulière, c’est que je n’ai pas de tâches répétitives ce qui me convient. Mes journées ne se ressemblent pas, et c’est très agréable, enfin, pour l’instant. J’apprécie cette diversité, ce mouvement constant d’une activité à une autre. Cela me donne l’impression de rester actif, sans tomber dans une forme de répétition.

Mais cette mobilité soulève aussi des questions. Est-ce que cette absence de routine est durable à long terme ? Est-ce que l’on peut s’installer professionnellement dans un poste aussi ouvert ? Pour le moment, cette polyvalence me stimule, mais elle me pousse aussi à réfléchir à l’équilibre entre stabilité et variété dans un futur environnement professionnel.

Être une jeune femme à la tête de son propre studio en Corée du Sud, quelle crédibilité ?

C’est autour de cette question que je me suis concentrée, car les dynamiques de genre sont profondément ancrées dans le contexte professionnel coréen — et elles sont presque indissociables de la position de ma tutrice et de son métier.

mes graphiques sont très binaire homme / femme, mais ils sont le reflet de la société coréenne qui demeure très divisée dans ces questions de genre

En effet, il faut savoir qu’en Corée du Sud, dans le domaine du design graphique :

Ce climat rend difficile, voire décourageant, le fait de se lancer seule et d’ouvrir son propre studio.

Majoritairement implicites, ces rapports de force peuvent se manifester lors de business meetings, (ma tutrice en a eu plusieurs avec un studio de design d’intérieur avec qui elle collabore sur un projet de branding), où les dynamiques de pouvoir s’installent dès le premier rendez-vous.

C’est comme une sorte de match silencieux, reposant sur: 

Ces micro-signaux construisent des rapports intéressants à observer mais moins agréables quand les rôles sont « déséquilibrés » :

Dans ces cas-là, le défi est réel.

L’âge étant un marqueur de domination important en Corée du Sud, il faut déployer une véritable énergie pour ne pas se faire invisibiliser et rester crédible. À cela s’ajoute une forme de hiérarchie implicite entre métiers créatifs, où le design graphique est souvent vu comme “moins sérieux” ou “moins technique” que d’autres domaines :

Je me suis donc rendue compte que même dans des contextes collaboratifs, ces rapports implicites restent présents et influencent profondément la manière dont la collaboration se déroule.

Face à tout ça, plusieurs questions se posent, de façon très concrète:

Comment préserver son intégrité professionnelle dans un système où l’écoute est conditionnée par le statut, l’âge ou le genre ?
Quelles stratégies adopter pour se faire respecter tout en poursuivant la collaboration ?

et le fameux dilemme:

Si l’on choisit le premier choix, il s’agit alors de faire des concessions, de réevaluer notre rapport au projet. Il s’agit finalement de la jouer stratégique à notre tour :

À quel point s’investir?
À quel point pousser ses limites ?
Comment rester fidèle à soi-même tout en répondant aux attentes du métier de designer graphique ?

On peut, bien sûr, adopter une posture plus passive, flatter les ego, adapter son niveau d’investissement. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’exister pleinement dans le projet.

Il s’agit de malgré tout affirmer sa position. Rester ferme sur ses propositions créatives. Ne pas avoir peur de déjouer ces rapports de domination, même si le système coréen fait tout pour les installer. 

Il s’agit donc, ni plus ni moins, 

de se faire entendre !!!  

Peut-on encore faire preuve de créativité dans un univers déjà normé

Au fil de ce deuxième mois, j’ai participé à des projets très différents : l’habillage de France TV Outre-mer, la conception de modèles pour les réseaux sociaux des Éditions de Minuit (l’une des plus anciennes maisons d’édition françaises, fondée en 1941), mais aussi à la création d’images plus “pures” pour des événements comme Wimbledon ou les 90 ans de la Vuelta.

 À chaque fois, mon rôle n’a pas été de tout inventer, mais de concevoir au sein d’un univers déjà balisé, d’un système déjà en place. Et cette contrainte, loin d’être un frein, m’a permis de comprendre ce que signifie réellement designer dans des contextes contraints. 

Pour les 90 ans de la Vuelta, célèbre tour cycliste espagnol, j’ai dû composer à partir d’un univers d’images existantes (banques comme Getty). Le défi n’était pas de tout créer, mais de transformer ces éléments en visuels forts, cohérents et impactants. Incrustation de personnages dans des paysages, composition, jeu de couleurs : tout devait faire sens. J’ai beaucoup appris en gestion de fichiers Photoshop, en rigueur sur les formats et les droits, mais aussi en regard critique : donner une intention visuelle forte même sans être dans une “création pure”.

Je ne peux pas encore montrer mes visuels, car la Vuelta n’a pas officiellement communiqué sur ses 90 ans : voici donc un exemple réalisé par l’agence lors de l’édition précédente.

Même logique pour Wimbledon. Pour l’édition 2023, le concept visuel “Be Wild” avait été choisi pour traduire une vision plus intense, sauvage et passionnée du tennis. J’ai décliné plusieurs propositions dans cet esprit, en pensant toujours à leur adaptabilité selon les formats (stories, affiches, bannières, etc.). Ces projets m’ont aussi appris à structurer mes fichiers de travail pour qu’ils puissent être partagés facilement au sein de l’équipe : nommer les calques proprement, décliner les formats, créer des gabarits pour un usage collectif. Cette rigueur, que je connaissais peu avant, est devenue un outil essentiel pour travailler en agence.

visuels type d’événements sportifs que l’agence a produit

Sur le projet France TV Outre-mer, j’ai eu encore plus de responsabilités. Aujourd’hui, j’en suis à l’étape de déclinaison : chaque discipline sportive doit avoir son identité dans un ensemble cohérent. Le cadre est strict et je dois respecter les codes de France TV en termes de composition, couleurs, typographies. Cette hiérarchisation visuelle demande un travail de réflexion précis : comment garder une cohérence d’ensemble tout en différenciant chaque discipline ? Comment équilibrer le jeu graphique avec les contraintes d’un habillage télévisuel ? C’est un travail de conception stratégique autant que d’exécution rigoureuse.

Je ne peux pas montrer de visuels pour le moment alors voici l’habillage de France TV Sport. Il s’agira du même principe, mais avec un système graphique que j’ai conçu, différent des cercles concentriques et des couleurs habituelles, tout en respectant la charte de France TV.

habillage de france tv sport

Pour l’appel d’offre de Novo 19, bien que le projet n’ait pas été retenu, cela a été l’un des plus gros projets sur lequel j’ai travaillé. Il comportait une vraie phase de conception d’un système visuel, choix typographiques, couleurs, de motion, choix de musique…mais aussi une importante part d’exécution cadrée. Il s’agissait de produire un document client complet, une sorte de “brand book” en PDF rassemblant toutes les briques de l’univers graphique : de l’autopromo au motion, en passant par les règles d’usages.

J’ai aussi pu y perfectionner mon usage des IA génératives comme Midjourney ou Runway, dans un cadre de production d’images qui dépasse la phase de création classique. J’ai contribué à écrire des prompts et des scripts pour générer des visuels ou simuler des plans avant tournage. Cette méthode nous a permis de gagner du temps, de mieux faire comprendre notre vision aux clients et de tester plusieurs directions créatives sans passer par une phase de prototypage longue.

Enfin, les Éditions de Minuit m’ont permis de changer totalement d’univers. Cette maison historique fondée en 1942, connue pour son catalogue littéraire exigeant (Beckett, Duras, Echenoz…), travaille aujourd’hui son image sur les réseaux sociaux. À partir de la charte déjà établie par l’agence, j’ai conçu des templates de posts, que la maison pourra ensuite décliner en autonomie. Là encore, l’enjeu était de réduire la place du texte pour mettre en valeur le visuel, tout en respectant une grille très stricte.

Ce mois-ci, j’ai appris que le design ne commence pas toujours avec une page blanche. Il s’agit souvent d’interpréter, d’ajuster, d’amplifier. Travailler à partir de cadres définis m’a donné des outils pour affirmer mon regard, affiner ma précision, et donner du sens – même quand on ne crée pas tout, on conçoit toujours.

Créer c’est aussi savoir communiquer

Mon premier stage, que j’ai effectué avec Giovanni Ambrosio, touche déjà à sa fin. Ce fut une expérience riche et passionnante. J’ai eu l’opportunité de travailler sur ce que j’aime vraiment : la création de sites web et même quelques projets autour de la photographie. J’ai également voyagé en Italie, ce qui m’a permis de découvrir les différences entre deux mentalités professionnelles.

Cependant, cette note d’étonnement portera sur un aspect qui m’a accompagnée tout au long de ces deux mois de stage, et que Giovanni m’avait déjà mentionné lors de notre entretien : la communication.

Dans ce contexte, la communication ne se limite pas à un simple échange d’informations. Elle consiste à comprendre, à travers le dialogue avec le client, quel type de message il souhaite transmettre, quelle image il veut véhiculer et comment adapter la forme à ses objectifs. Autrement dit, avant de concevoir un produit visuel, il faut savoir écouter, poser les bonnes questions, puis guider le client vers des choix cohérents et réalisables. Car beaucoup espèrent un site ou une affiche à la fois beau, peu coûteux et immédiatement rentable. 

BD : communication avec le client

Mais le designer n’est pas un magicien. Il faut souvent passer des heures à déconstruire leurs attentes pour identifier ce qui est réellement essentiel, ce qui est techniquement faisable, et ce qui est cohérent avec leurs moyens.

Autrement dit, la première étape du travail sera toujours le dialogue. Ce qui m’a surprise, c’est que la deuxième étape est en réalité… la stratégie de communication. Avant même de penser au design visuel, il faut expliquer comment celui-ci servira à transmettre le bon message au bon public. Ainsi, le designer devient aussi communicant, marketeur, voire community manager. La question qui revient souvent de la part des clients est : « Combien de clients ce site ou cette affiche va-t-il m’apporter ? »

Cela peut sembler éloigné du cœur du métier, mais c’est en réalité très logique : le design n’existe jamais pour lui-même. Il a une fonction, souvent commerciale. Mais je savais pas qu’il fallait aller aussi loin dans l’analyse, l’argumentation et la pédagogie.

Et bien sûr, si tu travailles en freelance comme le fait Giovanni, tu n’auras pas autour de toi un marketeur, un analyste, un designer UX ou un community manager. Il faut assumer tous ces rôles soi-même et devenir un professionnel polyvalent pour rester compétitif sur le marché.

En fin de compte, j’ai compris que pour beaucoup de clients, la façon dont son produit est communiqué compte parfois plus que le design réfléchi, esthétique et harmonieux. C’est un peu frustrant, car les personnes extérieures au monde du design ne réalisent pas que ce n’est pas censé être la mission première d’un graphiste ou d’un web designer. Mais si on veut travailler aujourd’hui et rester demandé, il faut savoir s’adapter…

En résumé, ce stage m’a permis de découvrir l’envers du décor du métier de designer : un équilibre entre créativité et stratégie de communication.