Tout est faux (ou presque)

Avant d’arriver à St Louis, j’avais une vision très très limitée de la post-production, que j’avais décidé d’enfermer malgré moi dans des compétences restreintes telles que la réalisation de sous-titres, l’étalonnage ou encore l’insert de quelques formes 3D. C’est avec beaucoup de naïveté que j’en suis même arrivée à penser que ce domaine était plus ou moins facile, en me demandant pourquoi des milliers étaient dépensés dans ce genre de service.

Ma vision (très limitée) de la post-production
Le questionnement qui m’a menée à tout le reste

Afin de percer ce mystère, j’ai décidé d’aller mener mon enquête et d’aller au-delà de ce que je voyais pour mieux comprendre les enjeux de la post-prod. Adieu le pôle des IT, et bienvenue au pôle 3D!

Ma première rencontre avec Yves (le chef du pôle 3D)


Jusqu’ici toute ma vision du pôle 3D s’était restreinte à des objets modélisés et ajoutés à des séquences vidéo, comme des modèles de crème, de parfums ou de shampoing, rien de bien compliqué. Mais j’avais TOUT FAUX. Ce genre de modélisation n’est qu’une infime partie de leur travail, ils sont en réalité un pôle moteur et déterminant dans l’entreprise, de vrais magiciens. Avec plusieurs outils à leurs dispositions, ils arrivent à créer des univers, modifier l’espace, en somme ils arrivent à berner le spectateur de la manière la plus fluide et spectaculaire possible.
Chaque nouvel exemple que me montrait Yves (le chef du pôle 3D) faisait naître en moi un sentiment de trahison : comment ai-je pu être trompée aussi facilement ? TOUT EST FAUX (ou presque).  Mais d’un autre côté, j’étais si impressionnée et perturbée par leur travail que je n’avais qu’une seule envie : apprendre.

Exemples de l’utilisation de la 3D en post-production
Ma réaction face aux réalisations de Yves
Discussion avec Yves

C’est ainsi que je me lançais dans une route sans demi-tour, prête à découvrir un tout nouveau logiciel : Nuke, un logiciel spécialisé dans les VFX, un mélange entre after effects et blender à l’interface très peu intuitive. Cependant je n’allais pas me laisser démonter par un logiciel aussi rapidement, c’est avec plus ou moins de mal que j’ai appris à gérer tout ce qui est lumières, colorimétries, mais également la rotoscopie au service du tracking. Je suis actuellement en train de travailler sur l’environnement 3D propre à Nuke, toujours aux côtés de Yves sans qui j’aurai déjà tout abandonné. Bien que sa présence m’est indispensable, j’ai tout de même été vaincue par Nuke plusieurs fois…avec l’envie d’alterner cette formation avec une autre activité, ou plutôt une autre formation. 🤓

Après quelques heures intensives de Nuke

En effet, l’apprentissage d’un logiciel totalement inconnu est assez dur, j’avais besoin de me former dans un logiciel que je connais et utilise assez souvent : After Effects. Et ça tombe bien car j’ai rencontré une stagiaire qui s’y connaît pas mal, et qui pourrait m’accompagner dans cet apprentissage destiné à tromper les autres.

Amel (stagiaire) et moi

J’ai d’abord commencé par certaines bases que je ne maitrise pas beaucoup dans After Effects comme la 3D, et j’ai très vite bifurqué sur tout ce qui est plus de l’ordre de la post-prod. Ainsi j’apprends le tracking sur Nuke mais aussi sur After Effects ET ÉGALEMENT sur Mocha, et me rends compte de son importance monumentale dans ce domaine. Cependant les processus sont longs et il faut être patient, alors peut-être que je ne pourrais pas encore tromper mon public comme une pro, mais au moins je deviendrais moins susceptible de me faire avoir.  Enfin toutes ces découvertes me mènent à me poser la question : jusqu’à quel point peut-on créer de fausses réalités, et quel danger peuvent elles représenter ? Je dois avouer qu’être au courant des mécaniques derrières ces tromperies visuelles, et d’en être désormais une apprentie, me fait soulever plusieurs inquiétudes tout en participant activement à ma créativité.

Une expérience riche

Mon stage est séparé en deux parties. Le télétravail, qui consiste surtout à écrire des textes et produire des visuels pour les réseaux sociaux, et le présentiel, qui est bien plus riche. Il consiste à encadrer des sessions de jeu, donc préparer la salle, suivre un groupe qui joue en gérant les effets et les indices, puis retrouver le groupe à la sortie pour les accompagner dans le débriefing, et enfin remettre la salle en ordre après leur départ.

Il m’est arrivé de parler avec des gens qui m’ont expliqué qu’exercer un travail désagréable se répercute sur la vie personnelle, et rend la vie globalement plus désagréable. Mais je commence à me demander dans quelle mesure un travail intéressant peut avoir une influence bénéfique sur la vie personnelle

J’ai d’abord cru que la répétition de mes tâches allait me faire tomber dans une routine que j’allais devoir subir, et je peux maintenant dire que ce n’est pas le cas. Je suis passionnée de game design. Chaque groupe est différent, et chaque expérience est donc unique. Et comprendre le fonctionnement mécanique derrière ce jeu m’apporte beaucoup, et me motive à être plus créative dans mes projets personnels. Même si ça n’a pas été évident de comprendre comment replacer chaque mécanisme…

Le mécanisme des engrenages est particulièrement complexe à remettre en place,
surtout qu’il se trouve dans une salle sans lumière…

Voir l’envers du décors de cette manière est vraiment une chance énorme pour moi. Je ne sais pas vraiment comment prendre du recul, vu que je n’ai pas pu inspecter d’autre salle d’escape, mais je trouve les énigmes pleines d’ingéniosité.

En plus de ça, un aspect de mon travail qui m’empêche de tomber dans la routine, c’est devoir constamment s’adapter. Oui, il faut s’adapter à tous les types de joueurs, et c’est déjà pas mal, mais je pense à quelque chose de plus concret.

Ce jour là a été plutôt intense…

Je me rends compte que ce n’est pas le genre de tâches habituellement demandées dans un stage de graphisme, et je me suis demandée pendant un moment si je devrais même en parler ici. Mais j’ai accepté un stage de graphisme et game-mastering, je savais donc à l’avance que je devrais faire ce genre de choses. Et franchement, je me sens utile, stimulée, encadrée, et j’ai l’occasion de travailler sur des compétences personnelles comme le rapport direct aux clients, l’adaptation à l’imprévu, la mémoire…

Le travail que j’effectue en tant que game master est bien plus intéressant que celui que j’effectue en tant que créatrice de newsletters, et je trouve même qu’il s’agit d’un travail de design. Je design l’expérience, la modifie et l’adapte selon la manière de jouer et la personnalité des joueurs. Je design l’ambiance sonore en direct autour de leur expérience, je module la difficulté par le biais d’indices, je mets en scène la salle et je l’agence pour obtenir une atmosphère impactante.

Je trouve que cet aspect de mon stage est très formateur, et qu’il a toute sa place dans cette note d’étonnement.