Et maintenant, on fais quoi ? 

Alors que mon stage touche à sa fin, une nouvelle forme d’étonnement me vient à l’esprit. Non plus liée à la découverte d’un fonctionnement, d’une personne ou d’un environnement de travail, mais à la difficulté de quitter un cadre dans lequel je me suis sentie bien.


Ces dernières semaines, j’ai pris conscience à quel point ce stage a été plus qu’une simple “expérience professionnelle”.

Travailler aux côtés de Saïdath m’a permis de me situer dans un écosystème créatif où la polyvalence, l’écoute, et la fluidité des rôles forment une dynamique de travail vivante, humaine, et surtout, motivante.

Je termine ce stage avec une forme de gratitude rare. J’ai non seulement développé des compétences concrètes (graphisme, communication, suivi de projet, photographie, accompagnement en shooting, etc.) mais aussi rencontré des gens formidables et surtout acquis une manière de penser le travail autrement. Plus libre, plus sensible et plus humaine.

Ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est l’intensité avec laquelle je me suis attachée à ce mode de travail. Une structure souple, une relation de confiance, une vision du design qui floute les frontières entre mode, objet, identité, et narration et une réelle volonté de s’améliorer ensemble. À la fin de mon stage Saïdath savait à quel point je m’intéresse au design floral en ce moment et m’a mis en relation avec une amie à elle, fondatrice de House of Prose, un studio floral dont j’admire le travail. Elle a fait aussi pensé à m’offrir des fleurs, un geste qui, mine de rien m’a beaucoup touché. Cette expérience me laisse une trace et me donne envie de continuer à évoluer dans des cadres qui me ressemblent, sans avoir à renier mon identité ni à rentrer dans un moule, comparé aux autres marques avec lesquelles j’ai eu un entretien pour le même poste. 

cr: House of Prose

Je crois que ce stage a nourri une forme de réconciliation entre mes aspirations personnelles et ce que je pensais que le “monde pro” attendait de moi. Je me suis longtemps préparée à “faire mes preuves”, à encaisser, à me suradapter. Mais ici, j’ai découvert que l’on peut avancer autrement. Qu’un regard bienveillant n’est pas un signe de faiblesse, mais une vraie force dans le processus de création.

Alors forcément, la question que je me pose maintenant, c’est comment retrouver un cadre aussi sain ? Est-ce que ce stage est une exception, ou un modèle vers lequel je peux tendre dans la suite de mon parcours ? 

Est-ce que je vais devoir choisir entre confort humain et ambition professionnelle ?

Je n’ai pas encore les réponses. Mais ce que je sais, c’est que je n’ai plus envie de me faire toute petite pour “mériter ma place”. Ce stage m’a montré qu’il était possible d’être prise au sérieux sans avoir à me durcir, que l’autonomie se construit mieux dans un cadre de confiance que sous la pression, et que le design commence souvent là où la relation humaine est solide.

formations et monde pro

ça fait maintenant trois mois que mon stage a commencé, et il me reste à peine deux semaines.

ma chère et tendre île… taiwan va tellement me manquer :,((((


c’est passé très vite, et pourtant, j’ai l’impression que ces trois mois ont été les plus formateurs depuis mes débuts dans le graphisme.

dès le début, j’ai eu beaucoup d’autonomie. au début j’étais perdue. aujourd’hui, je me sens alignée. je suis dans le rythme, je sais comment on fonctionne, j’ai compris les attentes, et j’ai gagné en fluidité.

il y a deux semaines, une nouvelle stagiaire a rejoint le studio. elle est taïwanaise, elle a le même âge que moi. et en travaillant à côté d’elle, j’ai commencé à observer des vraies différences dans nos manières d’aborder un projet. pas juste nos styles graphiques, mais notre manière même de penser un projet.

c’est là que j’ai compris à quel point la formation qu’on a reçue influence nos réflexes pro, même inconsciemment.

à Taïwan, les études de graphisme durent quatre ans. c’est très compétitif car très grosse promo (jusqu’à 50 élèves), et surtout, chaque projet est poussé jusqu’au bout. quand je dis « poussé », je veux dire : même un tout petit projet a déjà tout un branding. logo, stratégie visuelle, déclinaisons pour les réseaux sociaux, mockups, etc. on dirait presque que tout est fait pour être directement mis en ligne ou pitché à un client. les projets sont très structurés, très orientés “produit fini” dès le départ. mais au-delà de la méthode, ce qui change vraiment, c’est l’approche du travail.

ce que j’ai vu ici, c’est une manière d’envisager chaque projet comme un produit qu’on doit défendre, vendre, marketer. le design est pensé dans une logique de communication directe. chaque visuel a une stratégie, chaque livrable est clean, prêt à être présenté, diffusé, partagé. et ça, ça se ressent dans la posture : ils sont formés à pitcher, à convaincre, à rendre chaque projet légitime dès sa naissance.

de mon côté, ma formation en France m’a appris à chercher et surtout à expérimenter. on a souvent des projets très “unitaires”, plus plastiques, presque introspectifs parfois. j’ai toujours eu le réflèxe d’appréhender un projet avec les mains et de commencer sur le papier, ici pas du tout. je trouve qu’en France, on encourage une approche beaucoup plus plastique et humaine, tourné vers le processus plus que le produit fini. l’école nous pousse à trouver du sens, à suivre une intuition, pas forcément à vendre une solution. on pense beaucoup le fond avant la forme. j’ai aussi remarqué que les étudiants taiwanais ont beaucoup moins ce goût de l’expérimentation sur différents supports ou à travers différentes techniques. en fait, je pense que leur formation les poussant à imaginer un produit fini dès les premières expérimentations, ils ont tendance à ne pas passer par cette phase de recherche plus brouillon qu’on nous encourage à avoir en début de projet, ce qui fait qu’ils ont moins ce reflèxe d’expérimenter.

ces différences de formations se ressentent directement dans le monde pro, et encore plus lorsqu’on vient de culture différentes.
moi, j’ai tendance à commencer un projet par l’idée, l’émotion, l’atmosphère. je met du temps avant de rentrer dans un projet.
à côté, l’autre stagiaire va droit au concept. moodboard, couleurs, typo, positionnement, tout est là dès le début et c’est présentable immédiatement.

grâce à tout ça, je me suis rendue compte que je savais faire, mais que je ne savais pas forcément “montrer” ce que je faisais et que souvent, ma manière d’avancer était lisible que pour moi.
je ne pense pas que l’un soit mieux que l’autre. mais dans un cadre pro, il faut que le projet parle aussi aux autres.

savoir trouver un juste milieu… une quête sans fin d’un équilibre graphique, au final…

ce stage m’a forcée à rendre mes idées compréhensibles et à sortir de la recherche pure pour aller vers une forme de clarté. et en même temps, je sens que ce que je garde de ma formation française reste le coeur même de mon identité graphique. j’ai besoin de cette approche plus sincère pour créer, car sans ça, je trouve que produire devient presque scientifique.

maintenant, je cherche à construire une méthode qui mixe les deux. être capable d’avoir une démarche personnelle, mais aussi de l’incarner de manière claire et directe, rendre mes intentions visibles et donner une forme au fond.

merci de m’avoir lue sur ces 3 superbes mois et à la rentrée!!!!!!!!!!!!!

Le graphisme comme seul langage

Le graphisme peut-il se suffire à lui-même pour être compris et partagé ? I mean peut-on communiquer uniquement par le visuel ? 

La fin de mon stage et de ce voyage approche…🤧🥺 Il ne me reste déjà plus que 2 semaines et cela fait 3mois que je suis ici pourtant, j’ai encore du mal à mesurer l’ampleur de cette expérience, tant elle a été intense, mémorable et à jamais inoubliable. 

Si je devais revenir sur un point essentiel pour cette 3ème et dernière lettre d’étonnement, ce serait sans hésiter la question de la communication et plus précisément celle de la barrière linguistique, qui a marqué l’ensemble de mon stage.

Je n’aurais pas pu survivre sans eux…

Ma plus grande appréhension avant de commencer ce stage était la barrière de la langue, et les difficultés de communication que cela pouvait engendrer, notamment dans la présentation de mes idées. Durant mes études, j’ai toujours eu recours au langage verbal pour accompagner mes projets : que ce soit pour clarifier des concepts abstraits difficiles à traduire graphiquement, ou par manque de temps pour soigner les visuels. Mais pour ce stage dans un pays étrangers j’ai été contraintes de changer mes habitudes de travail radicalement : pour moi dans cette entreprise, tout repose (pour ne pas dire totalement) sur ce que je montre et produits. 

  • 80% LANGAGE VISUEL
  • 20% LANGAGE ORAL / BODY LANGUAGE

Cela a complètement changé ma manière de présenter mes idées. Mes supports visuels sont devenus mon principal outil de communication. Il fallait qu’ils parlent d’eux-mêmes. J’ai donc appris à les rendre les plus clairs, explicites et complets possible : fichiers bien organisés, croquis, références visuelles, annotations, flèches, mots-clés, codes couleurs… tout était bon pour renforcer l’autosuffisance de mes propositions graphiques.

Fichier organisé par code couleur, avec calques et effets nommés en coréen sur Photoshop, accompagné de croquis annotés par des flèches

Quant à elles, mes collègues coréennes, accompagnaient souvent leurs présentations de longs développements oraux, même à partir de croquis très simples. Ce que je ne pouvais bien évidemment pas faire, je devais alors compenser ce que je ne pouvais pas dire à l’oral par un surplus d’effort visuel. Pour exprimer la même chose, je devais souvent aller plus loin graphiquement.

C’était exigeant, mais extrêmement formateur. Cela m’a poussée à structurer mes fichiers avec précision, à penser mes visuels non plus comme un accompagnement, mais comme le message en lui-même. Cette contrainte a été, en réalité, une chance : je pense que je n’aurais pas développé cette exigence aussi rapidement en France, où le recours à la parole est plus systématique (et parfois par réflexe… ou par flemme).

Les demandes de travail aussi se faisaient en grande partie par le visuel. Une collègue m’envoie un fichier via AirDrop ou Kakaotalk , vient me montrer des zones, des formes, des couleurs… en parlant rapidement en coréen. J’écoute, j’observe, je déduis : ses gestes, les intonations de sa voix, son langage corporel me donnent des indices. 

Le traducteur vocal que j’utilise me permet une première compréhension, mais elle reste très approximative. Je dois donc souvent recouper les infos, passer par ChatGPT pour affiner, et surtout me fier à ma mémoire des visuels qu’elle m’a montrés. C’est un vrai jeu de déduction à apprendre sur le tas.

Un infime aperçu de toutes les traductions que j’ai dû faire…

Ce décalage m’a appris à faire avec les zones d’ombre, à ne pas poser de questions inutiles, à interpréter les attentes à partir des indices reçus. Et finalement, cela m’a rendue presque totalement autonome dans mon travail. Jusqu’ici, je n’ai rencontré aucun malentendu majeur ou hors sujet preuve que le langage graphique, bien maîtrisé, peut réellement être universel. 


Le graphisme permet de transmettre énormément de choses, parfois même l’essentiel, sans avoir besoin de mots et peut être un véritable langage universel  comme l’art pariétale qui nous as permis de comprendre les civilisation antérieurs juste à travers des formes et couleurs qui peu parfois être bien plus puissant que les mots et compréhensible par tous. Mais le langage verbal reste un atout précieux pour enrichir, nuancer et clarifier les intentions, mais le fait de ne pas maîtriser la langue coréenne, que je considérais au départ comme un désavantage, m’a finalement poussée à renforcer des aspects fondamentaux du métier de designer graphique : la précision, la clarté, l’anticipation, l’autonomie… et surtout, la capacité à faire parler mes images d’elles-mêmes.

L’auto-apprentissage dépend-il toujours d’un cadre et d’un accompagnement ?

Cela fait maintenant une semaine que mon stage en entreprise a pris fin.

Ces derniers mois j’ai principalement travaillé en tant que monteuse vidéo sur des interviews et documentaires ce qui me changeait des tâches que j’effectuais depuis le début du stage. L’avant/après entre le début et la fin était pour moi très différente, dans les tâches effectuées comme dis précédemment, mais aussi dans l’encadrement, la méthode de travail et l’apprentissage.

En effet, lorsque je suis arrivée mon travail était supervisé par mon tuteur, ce qui est sensé évidemment, et je connaissais bien les logiciels avec lesquels je travaillais. Mon apprentissage passait par mon tuteur, l’environnement et les observations que j’effectuais.

Ainsi, cette période d’accompagnement initial m’a permis de me familiariser avec les attentes de l’entreprise et d’être plus précise techniquement sur les logiciels. 

Mais cela à changé lorsque l’on m’a lancé sur différents montages impliquant des outils et logiciels que je ne maîtrisais pas encore, je ne les avais même jamais ouvert. Je pensais que la méthode d’apprentissage serait la même et que mon tuteur en ferait partie mais il ne les maîtrisait pas non plus. Il m’a donc encouragé à explorer par moi-même ces logiciels.

Dès lors, s’en ai suivi des jours à chercher des tutoriels, à essayer, à rater et à recommencer. C’était une période très stimulante m’évoquant mes débuts en graphisme.

Apprentissage de l’étalonnage vidéo sur Première Pro

Ainsi, pendant cette période de stage j’étais un peu en auto-apprentissage avec une démarche personnelle, un effort de recherche et d’expérimentation autonome. Cependant, il y avait tout de même un cadre avec des attentes précise.

Je me suis donc demandé: peut-on véritablement évoluer de manière autonome, ou un encadrement et un accompagnement sont-ils toujours indispensables à la progression ?

Même si j’étais livrée à moi-même pour comprendre ces nouveaux outils, je n’étais pas totalement seule. Il y avait des délais, des attentes, des rendus à faire. Cela suffisait à poser un cadre autour de mon apprentissage, même s’il était moins visible. J’étais libre d’expérimenter, mais dans une direction précise. C’est ce mélange de liberté et de contraintes qui, je pense, m’a fait progresser.

Avec du recul, je réalise que l’auto-apprentissage a toute sa place, surtout dans un domaine comme le graphisme ou le montage, où les outils évoluent sans cesse. Mais on n’apprend jamais complètement seul. Il y a toujours quelque chose autour de nous, un objectif, une personne, une structure, qui guide, même indirectement, notre progression.

Progression d’apprentissage

Le fait de devoir me débrouiller avec des logiciels que je ne connaissais pas m’a obligée à sortir de ma zone de confort. C’était difficile, mais très formateur. Et même si mon tuteur ne maîtrisait pas ces logiciels, il restait présent pour m’encourager, pour échanger, pour me rappeler les objectifs finaux.

Je pense donc qu’on ne progresse pas seul au sens strict. Même dans l’auto-apprentissage, on s’appuie toujours sur un cadre, sur un environnement ou sur des interactions. Ce stage m’a permis de comprendre que l’autonomie ne veut pas dire isolement, et que l’apprentissage, pour être vraiment efficace, a besoin à la fois de liberté et de repères.

Créer, c’est décider

Au fil des semaines, j’ai compris que la création s’accompagne surtout d’un acte moins visible mais fondamental : la décision.

Chaque projet auquel j’ai participé m’a confrontée à des choix esthétiques, techniques et/ou stratégiques mais toujours à prendre vite, et dans un cadre complexe.

Le meilleur exemple, c’est le chantier colossal du groupe M6. Suite au rachat et au regroupement de plusieurs chaînes (W9, 6ter, Gulli, Téva, RTL,ParisPremière etc.) dans une plateforme commune, M6+, il a fallu repenser une grande partie des logos, des noms et des cohérences visuelles entre les marques. On a dû modifier certains logos, (notamment trouver une nouvelle formalisation en 2D car la 3D n’est plus en phases avec les tendances graphiques ), adapter des univers très identifiés à un ensemble plus cohérent, mais aussi concevoir un nouveau logo pour “M6 Groupe”, qui rassemble toutes ces entités sans les faire se marcher dessus.

Tout cela sous deux contraintes fortes :

• un timing rapide pour valider, produire et livrer les premières versions

• une grande responsabilité : M6 est une marque puissante, et chaque ajustement a un impact large.

Même chose avec le projet du journal télévisé de la chaîne Nouvelle 19 (liée à Ouest France). Le brief : imaginer l’habillage complet de leur JT de l’identité visuelle au générique, en passant par les jingles, les animations d’antenne et la proposition de logo. Là encore, il a fallu trancher très vite : le travail se faisait en équipe, et devait être transmis rapidement aux monteurs / motion designer, pour que l’habillage prenne vie sans perte de temps. Choisir une typographie, valider une intention d’image ou un rythme de transition, ce n’était pas “une étape parmi d’autres” : c’était le cœur du travail.

J’ai aussi travaillé sur une future émission Canal+ portée par Antoine de Caunes, autour du cinéma, dans l’esprit du “Cercle”. Il a fallu concevoir une identité graphique déclinable pour tous les écrans plateau, jingles, transitions, générique. Là encore, créer une esthétique, c’est concevoir un système : une mécanique qui fonctionne visuellement, mais aussi facile à décliner pour les équipes internes. Et cela suppose de prendre rapidement les bonnes décisions sur les couleurs, les formes, les hiérarchies d’info, le ton, etc. pour que le motion designer puisse ensuite passer à l’animation dans la foulée.

Je pensais que décider en création signifiait souvent “couper” dans ses idées, renoncer. Mais j’ai appris que c’est l’inverse : décider, c’est clarifier. C’est aller à l’essentiel, dégager une intention forte, lisible, efficace.

C’est aussi une forme d’autonomie que je ne pensais pas avoir si tôt : j’ai été amenée à prendre des décisions graphiques qui avaient un vrai poids dans les projets, car il fallait que ça avance, que ce soit cohérent, et que ce soit beau.

Enfin, ce stage m’a aussi permis de comprendre que dans la création contemporaine, notamment dans le domaine de l’image animée ou du branding télé, la rapidité n’est pas l’ennemie de la qualité.

On peut créer vite et bien, à condition de savoir s’adapter, faire confiance à son œil, à son intuition, et à son équipe.

Loin de me brider, ces délais m’ont au contraire poussée à me recentrer sur ce qui fait sens. J’ai appris à faire des choix, à défendre des directions, à travailler plus efficacement, mais sans sacrifier ma créativité.

Créer, c’est décider et aujourd’hui, je me sens bien plus capable de le faire.

Apprendre autrement : le stage nous forme-t-il mieux que l’école ?

Pour cette dernière note, il me semblait intéressant de poser la fameuse question : le stage est-il plus formateur que l’école, ou nous apprend-il simplement différemment ?
Bien sûr, la réponse dépend de la qualité de l’enseignement et du stage. Ici, je parle avant tout de mon expérience et de ce qu’elle m’a apporté.

Ces trois derniers mois m’ont fait réaliser à quel point le stage et l’école n’enseignent pas de la même façon. Je ne dirais pas que l’un est “plus formateur” que l’autre, mais plutôt qu’ils se complètent et nous apprennent des choses différentes.

À l’école, on travaille souvent dans un cadre assez libre. On peut explorer, tenter des choses, chercher notre style, sans forcément penser à des contraintes externes. C’est une période d’expérimentation qui permet de se concentrer sur le fond et sur la créativité. Mais en stage, on entre dans une autre logique : il faut répondre à des attentes concrètes, respecter des délais, s’adapter à des demandes précises.

Ici, je me suis retrouvée face à des contraintes nouvelles : des chartes graphiques imposées, des logos à intégrer, des informations à hiérarchiser… Et même si ces règles limitent parfois la liberté créative, elles m’ont permis de mieux comprendre la réalité du métier. J’ai aussi dû reprendre des fichiers créés par d’autres graphistes. Ça m’a beaucoup intéressée de décortiquer leur travail : voir comment ils construisent leurs visuels, comprendre leur logique, et m’en inspirer pour améliorer mes propres méthodes.

Sauvez un graphiste, nommez vos calques

Travailler en équipe a aussi changé ma manière de réfléchir. Quand une idée venait d’un collègue, je devais trouver comment la réaliser techniquement. Parfois ça me poussait à sortir complètement de ma zone de confort et à apprendre de nouvelles techniques. C’est un apprentissage plus spontané, qui vient directement du besoin de résoudre un problème.

Un exemple concret : dans mon stage, Photoshop est très utilisé. Ce n’est pas un logiciel vers lequel je me tourne naturellement, mais ici j’ai dû m’y plonger. À force de pratique, j’ai compris ce qu’il pouvait m’apporter et j’ai gagné en confiance dessus.

La détresse

Au final, je ne dirais pas que le stage m’a appris “plus” que l’école, mais il m’a appris autrement. Là où l’école nous donne le temps d’explorer, le stage nous confronte aux réalités du métier : contraintes, travail en équipe, efficacité. C’est une expérience complémentaire qui m’a permis de progresser différemment, tout en me faisant réfléchir à ma façon de travailler.

Une équipe aux contours flous

En étant un peu plus curieux ces dernières semaines, j’ai été quelque peu surpris par la composition même de l’équipe. En posant des questions, j’ai pu avoir plus de précisions sur les rôles de chacun et j’ai compris que sur place, il n’y avait que quelques véritables employés fixes. Tout le reste de l’activité repose sur une organisation plus dispersée : des stagiaires, présents comme moi pour une durée limitée, et des freelances, souvent à distance, qui interviennent ponctuellement selon les besoins.

Au quotidien, le studio travaille presque exclusivement pour Platform21, une autre structure fondée par les mêmes personnes que HWT. C’est ce lien étroit qui rend la situation un peu particulière : on travaille pour un « client », mais ce client est aussi une sorte d’extension du studio. On est à la fois HWT et à la fois Platform21, selon le contexte, les supports ou les interlocuteurs. Cela brouille encore un peu plus les rôles et les frontières.

Je me suis rendu compte que je ne faisais pas partie d’un pôle bien défini avec des collègues aux responsabilités stables. Ici, c’est presque l’inverse. Mon tuteur est à la fois chef de projet, parfois designer, communicant et coordinateur. Il centralise le lien entre tous les intervenants et assure à lui seul la continuité de l’ensemble. Les autres collaborateurs gravitent autour selon les projets, les périodes ou les urgences.

datavisualisation de l’organisation de l’entreprise

Cette configuration atypique m’a obligé à m’adapter. J’ai dû être autonome, proactif, parfois même anticiper les attentes sans cadre strict, ce qui fait que la plupart du temps mes productions ne correspondaient pas aux attentes. Mais paradoxalement, cela m’a aussi permis de prendre plus de place, d’être réellement impliqué dans la production de contenus visuels, vidéos, photographiques ou animés. Ce modèle d’équipe allégée m’a donné l’occasion de mobiliser l’ensemble de mes compétences et de mieux comprendre le fonctionnement global de l’entreprise.

processus de travail…

Mais cette organisation pose aussi des questions. Peut-on réellement construire une dynamique d’équipe durable quand celle-ci est en grande partie virtuelle ou temporaire ? Que devient la notion de collectif quand chacun travaille de manière isolée ? L’absence de structure hiérarchique claire peut parfois être une force, elle permet de gagner en souplesse, mais elle rend aussi certaines choses plus floues : responsabilités, limites, demandes, cahier des charges. Et ces dernières semaines, je l’ai vraiment ressenti. Parfois, les demandes sont différentes d’une personne à une autre, les instructions peuvent changer sans que tout le monde soit au courant, et j’ai dû m’adapter à tout ce système.

Ce stage m’a fait découvrir un modèle hybride, à mi-chemin entre studio de création, startup éducative et réseau de collaborateurs. Un modèle qui fonctionne ici grâce à la légèreté des projets, la cohérence de la vision et un bon équilibre entre autonomie et confiance. Ce n’est peut-être pas un modèle généralisable, mais il m’a appris qu’il est possible de concevoir une entreprise autrement, moins figée, plus fluide, mais pas sans exigences.

Penser l’animation comme stratégie

Ces dernières semaines, j’ai travailler sur une campagne de publicité pour le groupe BPCE, à destination des jeunes pour les inciter à assurer leur appartement. Le contenu et les visuels avaient été pensés en amont par ma maître de stage, dans une tonalité accessible et proche des codes de cette génération. Puis il fallait les décliner en animation pour les transports en commun.

Le public ciblé : une génération ultra-connectée, très sollicitée, avec une attention visuelle exigeante et rapide.  De plus, un support en particulier a demandé plus de mon attention: les Strides, des stations de recharge pour téléphone dans les lieux publics qui intègrent désormais des écrans de diffusion. C’est un format encore peu exploité, mais très stratégique car il permet de s’adresser directement aux jeunes dans l’espace public, avec un contenu court. L’enjeu était donc de concevoir une animation immédiatement lisible dès les premières secondes.

Les premières animations réalisées (par d’autres) pour la campagne étaient trop plates et trop lentes. Donc le message était bon, mais le support ne suivait pas car elle ne correspondait ni à la cible, ni à l’intention. C’est là qu’on voit ce que signifie l’idée de “le médium est le message”. Si le mouvement n’incarne pas l’énergie du message, alors ce dernier perd en efficacité. C’est ce qui se passait dans les animations. On m’a alors demander de toute les refaire pour qu’elles soient plus en accord avec la campagnes. 

Schéma de mon dernier projet de stage

Tout au long du projet, ma maître de stage m’a accompagnée et conseillée sur la manière de structurer une animation de manière stratégique. Il ne suffit pas d’enchaîner des effets pour que ce soit “dynamique”  car trop d’animations en même temps nuisent à la lisibilité. J’ai voulu donner du rythme sans surcharger, pour faire en sorte que les mouvements servent le message : nous comprenons les jeunes. Et à hiérarchiser l’information visuellement tout en respectant la contrainte de temps que nous imposait le support. 

Mon stage s’est terminé, mais certains projets, continuent !

Ce projet est encore en cours car je vais poursuivre le travail à distance pendant l’été. C’est un prolongement inattendu de mon stage : l’agence m’a proposé de continuer à collaborer avec eux. C’est une belle marque de confiance, qui me donne aussi l’occasion d’aller plus loin dans la réflexion. 

Ce projet, comme l’ensemble du stage, m’a confirmé que j’ai ma place dans ce domaine, parce que j’y prends vraiment plaisir. Ces trois mois m’ont donné une meilleure compréhension du lien entre contenu, cible, support et forme. Et surtout, j’ai pu prendre conscience que l’animation n’est pas qu’un ajout mais un levier dans la stratégie de communication. L’animation structure le regard, rythme la lecture, hiérarchise l’information. Elle permet de guider l’attention et de mettre en avant ce qui est essentiel. Et c’est très important dans un domaine comme la stratégie de com’ ou l’on cherche à influencer la perception du publique. 

Travailler en solo : quelle flexibilité ?

Irang, ma tutrice, a fondé son propre studio il y a cinq ans et exerce en tant qu’indépendante. Son statut, proche de celui d’une freelance, lui permet de travailler seule et à son compte.

Ce qui m’a étonnée tout le long du stage, c’est la flexibilité de son statut.

En effet, travailler en solo lui permet de :

Cela lui permet aussi, vis à vis de moi, de m’emmener :

Cette liberté rend mon apprentissage à la fois riche et polyvalent, et me permet de découvrir Séoul. Elle m’amène aussi à réfléchir plus profondément sur ce statut, car j’ai remarqué que cette flexibilité s’accompagne aussi de certains défis.

En effet, ma tutrice est en partie contrainte par ses clients car :

ou encore :

Alors, je me suis demandée : 

Jusqu’à quel point un designer à son compte est-il flexible, sachant qu’il dépend de ses clients et de son statut ?
Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de clients et comment rebondir ?
Comment s’organiser lorsqu’on travaille sur plusieurs projets en même temps ? Quelles priorités fixer ?
Être designer graphique à son compte engage-t-il de la même manière qu’en studio ?
Ce statut permet-il de rester péren·ne ? 

J’ai appris que comme toujours, cela dépend.

Qu’aucune période ni temporalité de projet ne se ressemble, qu’il faut s’adapter et s’organiser en fonction.

Qu’il faut équilibrer les projets longs et courts, mais toujours être ouvert à des propositions de projets, car il y aura peut-être un jour où la demande ne sera pas aussi importante. Que l’idée est aussi de fidéliser les bons clients, pour éviter de repartir de zéro à chaque fois.

Qu’il s’agit d’anticiper, prioriser, savoir dire non, communiquer, entretenir son réseau… Bref ; beaucoup de travail, mais de ce que j’ai pu observer, ça vaut le coup !

Important : Construire un réseau professionnel varié

Mes deux stages chez Meloman Production et Rapminute ont représenté mes premières vraies immersions dans le monde de l’audiovisuel et de l’industrie musicale, chacune de ces expériences me marquant à sa manière.

Au départ, chez Rapminute, nous étions un groupe assez conséquent de stagiaires. Mais rapidement, nous nous sommes retrouvés à seulement deux pour gérer toute la partie visuelle : graphisme, montage, création de posts et stories. (D’ailleurs cela m’a étonné mais nous passions par Figma pour récupérer nos templates et les résultats finaux.) Heureusement, un nouveau stagiaire nous a rejoints pour s’occuper des scripts vidéos et de la partie évènementielle, ce qui a permis à l’équipe d’être bien plus efficace. Pour ma part, cette évolution m’a poussée à devenir beaucoup plus rapide et organisée dans ma manière de travailler (mais aussi de comprendre qu’on ne peut pas tout faire seul en croisant les doigts pour y arriver à temps). À quelques jours du plus gros festival belge : Les Ardentes ; j’ai pris mon courage à deux mains et ai demandé si je pouvais me joindre à l’équipe dans cette aventure. Ayant remarqué mon implication, ils ont accepté avec plaisir et m’ont offert un accès VIP en tant que média.

Notre petit badge Média

Cette opportunité a été un vrai tournant : j’ai découvert l’envers du décor d’un festival et pris conscience de la pression que cela représente. Contrairement au regard du simple festivalier, on découvre un véritable écosystème : des villages d’artistes, des régies, des espaces médias… tous interconnectés et animés par une volonté de produire le plus de contenu possible.

Notre rôle sur ce festival, était de capter l’instant, de documenter les concerts et les moments forts, ainsi en backstage et en coulisses, puis de tout diffuser rapidement sur les réseaux. Pour donner une idée de la cadence : sur les 4 jours nous avons posté environ 60 vidéos sur Instagram chiffre que l’on peut multiplier par 2/3 car nous postions aussi sur TikTok, nous réalisions des lives et nous avons également partagé des choses sur X. Pour que ces partages soient plus simple à réaliser, les médias ont des espaces de travail dans le village média. Ce dernier est un endroit équipé de bureaux, d’une connexion constante, et de multiples professionnels. Ce lieu était un vrai noyau de connexions, une ruches de photographes, d’influenceurs, de médias comme Booska-P, et de professionnels de tous horizons. Des personnes et des médias qui me semblaient bien trop lointain pour que je puisse entré en contact se sont trouvé être aussi accessible que de tout les petits médias émergents. À deux pas du village média, se trouvait le village des artistes, un espace privilégié où artistes, managers et proches échangeaient librement avec nous, dans une ambiance tout aussi professionnel qu’amicale. Cette parenthèse davantage « souple » sur la charge de travail en journée me permis de réaliser qu’il est tout aussi important d’être sérieux lorsque l’on produit que d’être sociable lorsque l’on en a l’opportunité car les contact ne se font pas tout seul.

Résumé de notre excursion aux Ardentes

Mon premier stage, chez Meloman Production, m’avait déjà offert une perspective. J’avais compris que réaliser une publicité ne se limitait pas au tournage : c’est un projet d’équipe, qui s’étale sur plusieurs étapes. Il faut penser à la préparation, au tournage, mais aussi à tout ce qui vient après : montage, étalonnage, VFX… Des tâches qui nécessitent des compétences variées, et donc, une vraie capacité à collaborer. On ne peut pas tout faire seul, surtout quand plusieurs projets s’enchaînent : s’entourer et créer un réseau est essentiel.

Ces deux stages m’ont permis de comprendre en profondeur plusieurs aspects essentiels du monde professionnel. Tout d’abord, j’ai réalisé à quel point il est important de travailler sérieusement et avec rigueur pour produire un travail de qualité. Que ce soit en graphisme, montage ou création de contenu, la gestion du temps et la précision sont indispensables pour répondre aux attentes, surtout dans un environnement où la rapidité est cruciale. Ensuite, j’ai bien compris l’importance de s’ouvrir aux autres métiers. Lors des projets, j’ai vu qu’il ne suffit pas de maîtriser son propre domaine, mais qu’il faut aussi apprendre à connaître ce que font les autres (monteurs, techniciens, photographes ou producteurs). Cette meilleure compréhension de ce que font les autres facilite vraiment le travail en équipe, évite les quiproquos et aide à intégrer son travail dans un ensemble où chacun a un rôle important.

J’ai aussi appris qu’il ne faut pas hésiter à parler de ce qu’on fait et à mettre en valeur son travail. Expliquer ses choix, montrer ses compétences et ses réalisations, ça aide non seulement à se faire connaître, mais ça ouvre aussi la porte à des échanges intéressants et à de nouvelles collaborations. Ça peut même permettre de proposer ses services à d’autres professionnels et d’élargir son réseau.

Les merveilleuses personnes que j’ai côtoyé

Enfin, j’ai compris que pour construire un réseau solide et qui dure, il faut prendre soin de ses contacts, même par de simples petits échanges ou en travaillant ensemble sur des projets. Ces petites interactions régulières renforcent les compétences de chacun, permettent d’apprendre des autres, et au final, ça donne un travail encore plus abouti et qui plaît aux clients. C’est comme ça qu’on gagne en efficacité, en qualité, et qu’on construit des relations pro qui comptent vraiment. Je voudrais finir en disant que toute cette maturité et ce recul que j’ai pu prendre sur la vie professionnelle, que ce soit en production audiovisuelle ou dans l’industrie musicale, je les dois à mes tuteurs de stage et à toutes les personnes talentueuses que j’ai eu la chance de côtoyer et avec qui j’ai pu travailler. Ces rencontres m’ont vraiment aidée à mieux comprendre les réalités du métier : la polyvalence, l’adaptabilité, mais aussi surtout l’importance des relations humaines et du travail en équipe. J’en ressors motivée, avec plein de nouvelles compétences, et surtout une idée beaucoup plus claire de ce que j’aime faire et de la voie que je veux suivre.