
« Encore des modifications ??? »
Le client est-il vraiment roi ?
De ce questionnement m’en sont venus de nombreux autres. En effet, comme j’avais pu l’évoquer lors de ma dernière note, les choix des clients lors de la création d’une direction artistique pour leurs projets me semblaient souvent assez questionnables.
Et souvent, lorsque j’en parlais avec le Directeur Artistique (qui a fait des études de commerce et non de Design Graphique), je me rendais compte que lui aussi était malgré tout souvent d’accord avec mes arguments, mais que la dernière volonté du client primait sur ce qui nous semblait être le mieux, sur le bon design que l’on voulait produire. Comme si la volonté du client était de ressort divin, que l’on ne pouvait lui résister.
Par ailleurs, cette impression est fortifiée par le fait que l’agence propose des aller et retours illimités pour le client … ce qui rend ses volontés encore plus fortes, et les demandes de modifications toujours plus nombreuses.
Aussi, j’ai pu me heurter au problème de devoir respecter des chartes graphiques qui parfois n’avaient aucun sens, ou alors qui suivaient la mode d’une époque qui ne colle plus du tout au design actuel. Mais le plus souvent, puisque celle-ci est aimée par le client, aucune modification ne peut être proposée.
De ces premières pensées m’est donc venu ce premier questionnement : quelle place doit avoir le client dans la conception d’un motion, ou de tout visuel qui vise à faire la publicité d’un produit, d’une démarche, d’un concept ? Le client doit-il vraiment avoir le dernier mot ? Le client est-il vraiment roi ?
Cette idée a trotté dans ma tête durant un bon bout de temps, et j’en suis d’abord arrivé à une réponse : non.
En effet, le travail du designer graphique est de créer un visuel qui porte un message, qui a un réel impact, qui est utile dans la démarche du client. C’est un métier à part entière qui demande des connaissances et une vraie rigueur. Nous viendrait-il à l’esprit de demander à notre médecin un autre médicament (qui n’aura sans doute aucune utilité) simplement parce que celui proposé ne nous plaît pas ? Ou à un architecte d’enlever les fondations ?
Non, tout simplement parce que le résultat voulu ne pourrait pas fonctionner autrement qu’en utilisant des principes réfléchis, connus et étudiés par le designer, qui vont aider à créer un visuel avec une vraie force de communication.
Par ailleurs, même si dans mon cas le motion design est commandé par un client, ce dernier est voué à transmettre une message, et pour ce faire, il doit toucher un maximum de personnes, et pas seulement plaire à lui-même. En effet, le but n’est pas en théorie de faire un design qui soit au goût du client, mais une création qui ait un vrai impact pour le public, qui soit bon pour les personnes visées par le client.
Pourtant … un design est tout de même créé pour un client …
« Je n’ai jamais eu de mauvais clients. Il n’y a pas de mauvais clients ! Produire des designs de qualité et faire comprendre cela à nos clients fait intégralement partie de notre travail. »
Bob Gill
Cette citation de Bob Gill sur laquelle je suis tombé par hasard m’a guidé vers une autre réponse possible. S’il semble que le designer doit avoir le dernier mot, lorsque le client est directement la personne impactée par le design, il devrait décider directement du choix final. En effet, le développement d’une identité visuelle sert certes à communiquer des idées sur la personne ou l’entité qui commande l’identité, mais elle a quelque chose de beaucoup plus personnel qu’un support de communication tel qu’un motion design, qui ne vise pas directement le client, mais plutôt un public visé. Dans cette situation, il semble préférable de laisser le dernier mot au client, même si le résultat final n’est pas optimal.
Par ailleurs, lors d’une réunion en direct avec un client et le directeur artistique, il me semblait que ce dernier, même s’il essayait de proposer des solutions plus adéquates, disait facilement oui aux demandes du client. Ainsi lors de certaines de mes interventions pour faire changer une partie du design, le dernier mot revenait quasiment systématiquement au client, qui était aussi assez réfractaire à ce qu’on lui donne des idées autres que les siennes.
Il me semble alors que si ce dernier avait fait des études de design graphique, il aurait eu plus de connaissances pour savoir quand devoir inciter un peu plus le client à basculer vers un autre choix. Mais le client n’aurait peut-être pas été aussi satisfait qu’il le sera en acceptant plus facilement ses idées …
Il me semble ainsi que notre travail en tant que graphiste repose sur un équilibre complexe entre ce que veut le client, et ce qui devrait être bon pour lui et son public, et que cet équilibre dépend grandement du type de projet de design graphique créé. Malgré tout, il me semble également que dans une grande majorité des cas, le client ne devrait pas être roi.