La créativité au détriment de la communication ?

Au début de mon stage, je m’étais questionné sur le rapport entre le temps de production et la créativité. J’avais l’impression que je n’arrivais pas à réaliser des projets graphiques qui me plaisaient vraiment, ou qui ne se restreignaient pas graphiquement et créativement

Aujourd'hui, ce point de vue a évolué, notamment suite à la réalisation d’un kakémono qui m’a permis de voir les choses autrement.

En effet, je devais réaliser un kakemono que m’avait demandé une cheffe produit qui allait se rendre à un congrès. Elle me fait pour cela un petit brief sur ce qu’elle veut ou non en me précisant bien que le dernier visuel (fait par mon tuteur en plus) n’était pas à son goût et que je devais produire quelque chose de “moderne” et que l’ancien n’allait pas du tout. J’avais “carte blanche” (selon ses mots) avec quand même une typographie imposée, des dispositions de texte bien précises, etc. 

Kakémono précédent

Après ma v1, s’en sont suivi des va-et-vient de modifications de sa part et de celle de mon tuteur sur la typographie, les visuels, la disposition des éléments, je me sentais moins maître de mon fichier…  

Kakémono v1
Kakémono final

Quand j’essayais d’exprimer mon avis défendu, il n’était pas pris en compte. Finalement le kakémono ressemblait à celui d’avant…

Il y a eu aussi de nombreux mails afin qu’il soit validé par le patron de l’entreprise, qui n’a, au final, pas voulu du kakemono car il ne correspondait pas à sa vision pour le congrès. En effet, la cheffe produit m’avait lancé dans la réalisation d’un projet qui n’avait pas été validé… 

J’ai donc à ce moment-là compris que mon travail était passé d’un point à un autre et que ce que je produisais n’était simplement plus mon travail mais celui de ceux qui m'entouraient, me conseillant ce que je devais faire. Ce que je produis doit non seulement plaire à l’employé qui me le demande, mais aussi à ceux qui reçoivent le mail et au patron de l’entreprise. 

Ainsi, le fait de communiquer étroitement avec “le client” qui est ici, le patron (même s’il ne prend connaissance du projet qu’à la fin pour la validation), déformait mon travail pour convenir au goût de chacun.

Mon expérience

Mon sentiment est que les employés ne comprennent pas vraiment le métier de designer graphique et que pour eux on a souvent un statut d’exécutant qui, même si l’on peut émettre notre point de vue grâce à nos connaissances et notre culture, ne sera que rarement pris en compte. D’un côté il est vrai que l’important est de plaire au client, qu’il soit satisfait, mais si à la fin du projet le designer graphique n’a pas réussi à être écouté et à être maître de son travail, c’est forcément frustrant. 

Au final, je me rends compte que mes créations sont limitées, pas seulement à cause du temps qu’on me donne pour les faire, mais surtout à cause du contexte dans lequel je travaille. Le manque de communication, le fait que le métier de designer graphique est mal compris, et l’influence de ceux qui m’entourent finissent par freiner mon processus créatif.

J’ai aussi le sentiment que l’entreprise n’est pas vraiment familiarisée à des visuels nouveaux ou différents. Les équipes ont pris l’habitude de voir et de valider un seul type de graphisme, sûrement parce qu’il a toujours “fonctionné”. Et comme ça va plus vite à valider, personne ne prend vraiment le risque de valider autre chose. 

Il y a une vraie peur du changement. Tout ce qui sort un peu du cadre habituel est vite perçu comme compliqué, parce qu’on sait que ça va prendre plus de temps à faire valider, qu’il faudra plus d’échanges, plus de retours. Et ce temps, on ne l’a pas toujours.

Mais justement, c’est sur ce point que j’ai envie de faire changer les choses ou au moins exposer plus mon point de vue: on m’a demandé d’apporter quelque chose de neuf, de plus moderne, de nouveau pour les visuels des promos imprimés et c’est ce que je vais essayer de proposer…
Début de proposition pour le dépliant de promotion de l’année 2026

L’attente

Être dans l’attente de quelque chose.

N’avoir jamais le contenu définitif et donc perpétuellement recommencer ce que l’on fait, créer des choses dans le vague. Insatisfait ? Aucun problème. Refaire. Avancer puis revenir en arrière, avoir l’impression de stagner. Être dans le flou, attendre que les choses évoluent, avoir des indications, des informations. Puis, un mail, ça y est. Aller vite, se dépêcher. Puis patienter, prendre son mal en patience, accélérer, puis reculer. Attendre. Redémarrer, se dépêcher voir même brusquer la vitesse de croisière. Se presser, que tout soit prêt pour mercredi. L’ouverture n’a jamais été aussi proche. On touche le but. Mais tout n’est pas vraiment prêt. Pas de panique à l’horizon. Ou peut-être trop ? Réfléchir dans la précipitation. Peu (voir pas) de recul sur ce que l’on crée. C’est bien ? Pas le choix, il faut se lancer. Régler certains détails. On est bon ? Des modifications à faire ? Rebelote, vite, vite. « Le menu est prêt pour ce midi ? Les prix manquent sur les panneaux ! Demande lui de découper les étiquettes. Je te laisse indiquer les prix des vêtements. » C’est passé. Puis, de nouveau, attendre. Au point de se faire chier. Ranger, patienter. Réfléchir, faire de la veille, ranger ses fichiers, son espace de travail. Puis, attendre. Regarder autour de soi, il fait beau, chaud, trop chaud mais il faut rester au chaud. Prendre de l’avance, anticiper. Checker ce qu’il reste à faire. Mais stagner. Proposer de l’aide. En profiter pour faire des trucs qu’on repousse sans cesse. Une idée ! Vite, il faut se lancer. Réenclencher le processus créatif. Brainstormer. Parler avec Laure. Écrire ce que l’on entend, tout ce qu’on l’entend. Échanger. Tester, imprimer, massicoter, valider. Parfois échouer. Un café ? Travailler, encore et encore. Appeler l’imprimeur. Des imprimeurs. Se déplacer. Avoir des rendez-vous, un pas de plus dans le monde professionnel. Récupérer des échantillons. Commercer. Recevoir des devis, comparer. Passer des commandes. Aller chercher les cartes de visite. Les couvertures pelliculées. Les hangtags. Les autocollants. Et parfois un cookie. 

Faire le point sur les projets qui arrivent. Souvent rigoler. Parfois stresser. Une semaine de passée, deux puis huit. Nos journées sont rythmées par les autres. Nous nous retrouvons dépendantes des décisions des autres, dans l’attente perpétuelle, mais ça fait partie du jeu, de l’apprentissage.

Noter toutes les petites phrases entendues pendant le stage.