Depuis des siècles, la bienveillance est un terme discuté par les philosophes: Aristote qualifiait de bienveillant “celui qui voulait faire le bien de l’autre” quand Confucius en faisait un impératif en écrivant “la bienveillance est sur le chemin du devoir”. Plus près de nous, ce mot est défini sur Wikipédia comme “ la disposition affective d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui”. Ce terme paraît simple et pourtant, lorsqu’il s’agit du monde du travail, il n’est pas toujours au cœur des préoccupations. Durant mon stage, j’ai eu la chance d’évoluer au sein d’une équipe extrêmement bienveillante et pédagogue. J’ai également la possibilité de pouvoir comparer cette expérience professionnelle avec mes précédentes, ayant déjà effectué 3 stages durant ma scolarité (celui-ci compris). À partir de mes expériences, ce thème de la bienveillance m’est apparu comme primordial lorsque l’on évolue dans le monde du travail. De ce fait, on peut se demander si la bienveillance au travail améliore réellement les résultats d’une entreprise ainsi que l’état d’esprit de ses employés ?
Mes 2 premiers stages, (s’étant respectivement déroulés dans une librairie puis dans une maison d’édition) ne s’étaient pas passés de la meilleure des façons. Je sentais continuellement du jugement, parfois même du mépris. Évidemment cela engendrait du stress, la peur de faire des erreurs ou encore une perte de confiance en moi lorsque je me trompais. Malgré l’application dont je faisais preuve, je commettais constamment des erreurs et par conséquent me faisais réprimander. Le monde du travail m’apparaissait alors comme ingrat et injuste et je n’avais en aucun cas envie d’en faire partie. L’expérience que j’ai vécue chez Gédéon était toute autre : il m’arrivait de faire des erreurs bien évidemment, mais bien moins fréquemment que lors de mes expériences passées et de plus, je ne les percevais jamais comme des erreurs à proprement parlé étant donné que personne ne me faisait ressentir que c’en était. C’était à chaque fois, un moyen d’apprendre et non pas un moment désagréable et négatif. La bienveillance qui émane de l’équipe ainsi que le climat très convivial m’a réellement étonné au départ. Au sein de l’entreprise, tout le monde est généreux les uns envers les autres, on retrouve beaucoup d’entraide et de rigolade. Dans cette agence, j’ai eu l’impression d’intégrer une bande d’amis plutôt qu’une entreprise. Je n’ai jamais ressenti aucune pression, on ne m’a jamais fait aucun reproche.
Dans mon cas, il est donc certain que la bienveillance m’a permis d’être plus productive. En effet, un tel climat permet d’accorder une place importante à la discussion, ce qui par extension accélère les processus de travail et améliore les résultats des salariés. De plus, je n’ai jamais ressenti de réelle hiérarchie au sein de l’équipe : Emmanuelle, la directrice de Gédéon était tout aussi accessible que les cheffes de projets ou les directeurs artistiques. Cela renforce la cohésion de groupe et facilite toujours plus l’échange et le partage. Une étude du MIT affirmait que « les salariés heureux sont 2 fois moins malades, 6 fois moins absents, 9 fois plus loyaux, 31 % plus productifs, et 55 % plus créatifs ». Les entreprises auraient donc tout à gagner en adoptant une attitude bienveillante, réduisant ainsi, l’anxiété, l’absentéisme et surtout les burn out.
Avec de tels chiffres, il est donc naturel de se demander pourquoi toutes les entreprises n’adoptent-elles pas cet état d’esprit ? En effet, il existe encore de nombreuses entreprises qui ne cultivent pas la bienveillance au quotidien. Certaines pensent qu’il est plus productif de mettre en compétition les salariés, misant plus sur la peur, le mépris et l’angoisse pour pousser au travail bien fait. En discutant avec mes collègues pendant un repas, j’ai entendu une histoire qui m’a réellement choquée: l’un de mes collègues avait vécu une expérience tout à fait malsaine dans son précédent emploi. Il était en stage avec un autre stagiaire lorsque son patron les convoqua tous les deux dans son bureau pour leur poser la question suivante: lequel de vous deux devrais-je garder ? Ils se sont donc retrouvés dans une situation ou chacun devait “vanter” ses mérites tout en essayant de rabaisser l’autre afin de se mettre en valeur au maximum. Cette joute verbale visait à mettre en avant leur esprit compétitif et favorisait (selon moi) la personne ayant le moins d’empathie et de bienveillance. Pourquoi alors, employer de telles méthodes ? Même s’il a été prouvé que la bienveillance engendre des effets positifs sur les résultats d’une entreprise, elle demande de faire quelques adaptations pouvant être vue comme des inconvénients. En effet, elle nécessite notamment d’impliquer les émotions des individus dans la sphère professionnelle, ce qui peut ne pas plaire à tout le monde. De ce fait, il est intéressant de se demander jusqu’à quel point peut-on inclure les émotions dans le monde du travail ? Certaines personnes s’appliquent justement à séparer de manière drastique leur vie professionnelle et leur vie personnelle, il serait donc assez compliqué pour eux de devoir considérer leurs collègues comme des “amis”. De plus, de par l’éducation et les expériences vécues par chacun, cela peut être une motivation que de travailler dans la compétition.
Enfin, la frontière peut-être mince entre la bienveillance (vouloir faire le bien de l’autre) et la complaisance (s’accommoder aux goûts, aux sentiments d’autrui pour lui plaire) et il serait contre productif que ces deux termes se confondent. En effet, en voulant plaire à autrui, un individu perd sa personnalité pour se calquer sur les goûts de l’autre. En faisant cela, il perd également sa force créatrice, levier principal du bon fonctionnement d’une entreprise.
Il est clair que la bienveillance est un puissant outil mis à disposition des entreprises et permettant d’améliorer la vie de ses salariés. Même si elle ne paraît pas s’adapter à tous les cas de figure, elle semble s’imposer dans les entreprises et devient même un “phénomène de mode”. Devant tant d’engouement pour ce concept, allant pourtant à l’encontre des valeurs capitalistes prônées aujourd’hui dans le monde du travail, peut-on vraiment croire que cette bienveillance est sincère ? Doit-on se méfier de la “fausse bienveillance” ?

