« commercial » vs création

cela fait déjà un mois que mon stage a commencé, mais étrangement j’ai l’impression que cela fait beaucoup plus longtemps que je fais partie de l’équipe.

pendant ce mois, j’ai découvert de nombreux aspects du métier de designer graphique auxquels je n’avais pas pensé avant. j’ai la chance d’être vraiment poussée au cœur du processus créatif : je suis traitée comme une designer graphique à part entière et non comme une simple stagiaire. lorsque nous répondons à un brief client, ma proposition fait partie de celle que l’on envoie, ce qui renforce ma confiance et m’oblige à donner le meilleur de moi-même. c’est valorisant, mais aussi un peu stressant par moments.

cette confiance qu’on a en moi me permet de vraiment me rendre compte des conditions et problématiques liées au métier. aujourd’hui, j’ai décidé de me pencher sur une question à laquelle je suis confrontée depuis mes débuts dans le dnmade et à laquelle je pense ne jamais trouver de réponse définitive : où s’arrête, où commence la créativité dans le design graphique face aux contraintes commerciales du domaine ? est-ce qu’on peut être vraiment libre tout en répondant à une commande ? est-ce que l’un empêche l’autre ?

avant, j’avais un avis beaucoup plus tranché sur le commercial, la publicité dans le design graphique. je pensais que faire de la pub, c’était simplement ne pas être créatif. je pense que j’étais très naïve et je n’avais pas vraiment compris la réalité du terrain. en fait, ce que je comprends maintenant, c’est qu’il y a différents degrés de liberté selon les projets, les clients, les contextes. tout n’est pas tout blanc ou tout noir.

bien sûr, en tant que designer graphique, on a envie de participer à des projets excitants et créatifs. mais il y a aussi la réalité qui est l’industrie dans laquelle nous évoluons. parfois, il faut juste être efficace, clair, et ne pas chercher à réinventer la roue à chaque fois. et c’est ok aussi.

au final, je trouve que le studio dans lequel je travaille a trouvé un très bon juste milieu :

il y a d’une part les clients classiques, qui viennent du domaine culturel, les clients souhaitant des identités visuelles, etc., et d’autre part un gros client régulier, ce fameux géant de l’électronique chinois.

les travaux pour ce client sont réguliers, et consistent en différentes tâches principalement tournées vers la gamme « IA » et « gaming » de la marque. ça peut aller de visuels générés par IA pour des campagnes, à la création de fonds d’écran, de newsletters, ou de simples éléments à intégrer dans l’UI des sites. mon maître de stage a des appels réguliers avec eux pour fixer les deadlines, les demandes, les feedbacks… j’étais plutôt surprise d’apprendre qu’ils travaillaient pour cette marque, car la dualité entre leur projet de studio et les projets pour cette marque est flagrante. mais au final, cela fait sens. avoir ces travaux réguliers avec cette marque, c’est pouvoir se permettre de réaliser des projets pour des structures plus petites, mais aussi pouvoir réaliser des projets perso du studio lui-même! ( actuellement, nous travaillons sur un projet créatif sans commanditaires, c’est un simple projet perso venant du studio afin de promouvoir la culture taiwanaise. je trouve ça tellement cool de faire ce genre de projets spontanés!!!!!!!)

schéma de répartition des projets au sein du studio

j’ai eu l’occasion de réaliser des icônes pour alimenter le design system de la marque. l’idée était simple : créer des icônes pour la gamme IA, qui pourraient ensuite être utilisées sur différents supports de com. j’ai donc eu accès à la charte graphique et aux règles du design system. je me suis rendue compte du nombre de contraintes énormes imposées pour de simples icônes. au final, ces contraintes m’ont beaucoup facilité la tâche, et je n’ai pas eu de mal à les produire. c’est un peu paradoxal, mais plus c’est cadré, plus c’est simple parfois. au final, on me donne peu de tâches lié à cette marque.

l’avantage avec les marques gigantesques comme celle-ci, c’est que contrairement aux petits clients, leur brief est très clair, très précis, je trouve. mais c’est là que vient le hic. avec ces briefs hyper cadrés, ne devenons-nous pas de simples exécutants ? en fait, je pense que dans ce cas précis, oui. on ne fait pas vraiment partie de leur équipe créative. on applique, on exécute. j’ai un peu l’impression qu’ils font appel au studio juste pour produire des choses dans les cases, selon un système déjà bien verrouillé. après, je dis ça, mais je ne vois qu’une toute petite partie du projet. comme c’est une très grosse marque, il y a pas mal de confidentialité, donc difficile de savoir tout ce qui se joue derrière.

j’en ai discuté avec mon collègue dan, qui m’a dit qu’au début, il ne savait même pas qu’il aurait ces tâches à faire en parallèle des projets du studio. j’ai trouvé ça un peu étonnant. il m’a dit qu’il passait beaucoup de temps dessus, et qu’il était plus lent dans ce rôle d’exécutant que quand il bossait sur un projet créatif. il m’a aussi montré le groupchat réservé à cette marque, où toute la com passe, et on voit bien que c’est un système à part dans le studio, presque une mini-entreprise dans l’entreprise.

discussion avec mon collègue

en fait, je pense qu’il a raison. ces travaux ne sont pas inintéressants. il est important de rester ouvert et curieux face à chaque type de projet, car il y a toujours des choses à apprendre. parfois, il est bon de ne pas trop réfléchir et simplement faire. c’est en se posant trop de questions qu’au final, on n’avance pas.

mais je pense aussi qu’il faut faire attention à ne pas s’installer dans une routine d’exécution pure. c’est important de rester attentif, de se poser des questions, de réfléchir à ce qu’on fait, pourquoi on le fait, et comment on pourrait le faire autrement. même quand ça vient d’un très gros client.

la place du designer graphique, aujourd’hui et encore plus demain, ce ne sont pas juste de suivre des consignes, c’est aussi de penser, d’interpréter, de proposer, de défendre sa vision. et ça, je pense que c’est une posture à garder, peu importe le projet.

c’est pourquoi je trouve que le studio dans lequel je travaille on trouvé le juste milieu: avoir une base safe avec ce gros client afin de pouvoir se permettre des libertés ailleurs!