Apprendre autrement : le stage nous forme-t-il mieux que l’école ?

Pour cette dernière note, il me semblait intéressant de poser la fameuse question : le stage est-il plus formateur que l’école, ou nous apprend-il simplement différemment ?
Bien sûr, la réponse dépend de la qualité de l’enseignement et du stage. Ici, je parle avant tout de mon expérience et de ce qu’elle m’a apporté.

Ces trois derniers mois m’ont fait réaliser à quel point le stage et l’école n’enseignent pas de la même façon. Je ne dirais pas que l’un est “plus formateur” que l’autre, mais plutôt qu’ils se complètent et nous apprennent des choses différentes.

À l’école, on travaille souvent dans un cadre assez libre. On peut explorer, tenter des choses, chercher notre style, sans forcément penser à des contraintes externes. C’est une période d’expérimentation qui permet de se concentrer sur le fond et sur la créativité. Mais en stage, on entre dans une autre logique : il faut répondre à des attentes concrètes, respecter des délais, s’adapter à des demandes précises.

Ici, je me suis retrouvée face à des contraintes nouvelles : des chartes graphiques imposées, des logos à intégrer, des informations à hiérarchiser… Et même si ces règles limitent parfois la liberté créative, elles m’ont permis de mieux comprendre la réalité du métier. J’ai aussi dû reprendre des fichiers créés par d’autres graphistes. Ça m’a beaucoup intéressée de décortiquer leur travail : voir comment ils construisent leurs visuels, comprendre leur logique, et m’en inspirer pour améliorer mes propres méthodes.

Sauvez un graphiste, nommez vos calques

Travailler en équipe a aussi changé ma manière de réfléchir. Quand une idée venait d’un collègue, je devais trouver comment la réaliser techniquement. Parfois ça me poussait à sortir complètement de ma zone de confort et à apprendre de nouvelles techniques. C’est un apprentissage plus spontané, qui vient directement du besoin de résoudre un problème.

Un exemple concret : dans mon stage, Photoshop est très utilisé. Ce n’est pas un logiciel vers lequel je me tourne naturellement, mais ici j’ai dû m’y plonger. À force de pratique, j’ai compris ce qu’il pouvait m’apporter et j’ai gagné en confiance dessus.

La détresse

Au final, je ne dirais pas que le stage m’a appris “plus” que l’école, mais il m’a appris autrement. Là où l’école nous donne le temps d’explorer, le stage nous confronte aux réalités du métier : contraintes, travail en équipe, efficacité. C’est une expérience complémentaire qui m’a permis de progresser différemment, tout en me faisant réfléchir à ma façon de travailler.

Créer sous contrainte : la charte graphique limite-t-elle la liberté du graphiste ?

Cela fait un mois que je suis en stage, et je n’ai pas vu le temps passer. J’ai réussi à mieux m’intégrer, et je travaille désormais sur plus de projets, de types différents. Certains m’ont offert une plus grande marge de manœuvre que d’autres. C’est comme ça que j’ai commencé à me poser des questions.


C’est une interrogation qu’on retrouve souvent dans le monde du graphisme. Je me la suis posée en réalisant une affiche pour un événement récurrent, comme la Fête de la musique. Ça m’a amenée à réfléchir à la place du graphiste dans un cadre déjà bien défini : celui de la charte graphique. Et à me demander jusqu’où elle limite la créativité.


C’est normal, évidemment, de devoir respecter la charte graphique d’une entreprise ou d’une association. Mais alors, comment innover ? Jusqu’où va la liberté du graphiste ? On pourrait faire le parallèle avec les marques de luxe, qui ont des identités visuelles très codifiées – presque figées – et où l’on pourrait croire que ça freine la créativité.


Lors de la création de l’affiche pour la Fête de la musique, j’ai dû composer avec deux chartes graphiques en même temps : celle de La CLEF, et celle spécialement développée pour les 40 ans de l’association. Il y avait déjà beaucoup d’éléments imposés : une typographie précise, une gamme de couleurs, des logos. Tous ces éléments font partie de l’identité de l’association, de sa reconnaissance. Mais dans ce contexte, comment faire preuve d’innovation tout en restant identifiable ? Et surtout : est-ce que le graphiste arrive encore à s’amuser dans ce cadre-là ?


Parce que pour moi, la créativité est liée à une forme de plaisir et d’épanouissement. Et quand tout est déjà fixé, je me demande si ça ne devient pas un peu répétitif, voire lassant à la longue. D’autant plus que le graphiste n’est pas toujours décisionnaire. Il y a souvent plusieurs interlocuteurs, parfois non graphistes, qui ne comprennent pas toujours pourquoi on fait tel choix. Il y a aussi une certaine peur de sortir du cadre, une volonté de rester dans la continuité, de ne pas trop s’éloigner de ce qui a déjà été fait.


Du coup, on ne se retrouve pas vraiment dans un processus de création libre, mais plutôt dans une logique d’adaptation : comment reprendre les éléments déjà existants et les transformer un peu pour faire quelque chose de nouveau… sans trop en faire. Ça devient une sorte de « remaniement graphique » plus qu’une création à part entière.


Et puis dans le cas de La CLEF, où un seul graphiste doit répondre à beaucoup de demandes provenant de plusieurs services, il y a aussi un enjeu d’efficacité.

Réutiliser ou adapter des visuels pour des événements qui reviennent chaque année, c’est un vrai gain de temps. Et ça permet aussi de se concentrer sur les projets qui demandent plus de création, plus de réflexion ou d’attention. C’est un équilibre à trouver entre création, contraintes visuelles et organisation du temps.

Découvrir un nouveau rythme et produire à grande échelle

Je fais mon stage à La CLEF, qui est une association. Elle fonctionne en partie grâce aux dons des adhérents et au soutien des bénévoles lors des différents événements. La structure est super grande, et elle est surtout connue pour les concerts qu’elle organise. Mais elle propose aussi des cours autour de plein de types de projets.

Ce qui m’a marquée dès le début, c’est l’ambiance. Il y a vraiment une bonne énergie, c’est chaleureux. La plupart des employés partagent une passion commune pour la musique, et les différentes personnes des services se connaissent bien entre elles. La CLEF fonctionne aussi avec l’aide de services civiques et de stagiaires, ce qui apporte de la diversité, notamment au niveau des âges.

Je suis arrivée à une période importante pour l’asso : les 40 ans de La CLEF, fêtés à travers trois gros événements en mai. Comme tout ce qui concernait les projets principaux (affiches, bannières, etc.) avait déjà été fait avant mon arrivée, j’ai surtout été chargée de petits éléments graphiques. Les projets se font sur la suite Adobe, et la communication se fait soit par mail, soit directement à l’oral. D’ailleurs, les gens n’hésitent pas à aller voir directement les autres dans leurs bureaux pour poser une question ou faire une demande. Il y a aussi un serveur commun, où chacun dépose ses fichiers, accessibles à toute l’équipe.

Dès mon arrivée, on m’a présenté mon poste, avec un bureau, un ordi et la suite Adobe fournie. Mes premières semaines ressemblent un peu à une période d’essai, qui permet à ma tutrice de voir ce que je sais faire ou non, et comment je travaille. Pour l’instant, je reste sur des choses assez basiques, ce qui me donne un peu l’impression de ne pas utiliser tout ce que je sais faire. Mais je me sens bien intégrée et l’ambiance est vraiment agréable.

Photo du merch pour les 4O ans de La CLEF (@laclefstgermain) – Photo by me


Ce que j’ai trouvé le plus compliqué, c’est d’arriver en cours de projet, sans toujours bien comprendre à quoi vont servir les éléments que je produis. Ce qui m’a aussi surprise, c’est de ne pas avoir vraiment de charge de travail définie. Ma tutrice me donne les tâches une par une, ce qui change pas mal de l’école, où j’ai une vue d’ensemble sur la semaine ou les deux semaines à venir. Ici, c’est vraiment au jour le jour. Mais ce qui m’a le plus étonnée, c’est les quantités produites. À l’école, on imprime souvent nos projets en un ou deux exemplaires. Là, on parle de 300 flyers ou plus, donc forcément, ça change la manière d’aborder les choses.

Pour l’instant, je ne vois pas encore de grosse différence avec ce qu’on fait en cours, mais je sens que ça va évoluer. On commence déjà à me confier un peu plus de tâches.

La CLEF accueille des artistes en résidence. En bref, cela leur permet de répéter et de préparer leur performance scénique, accompagnés par une équipe qui les conseille et les encadre. À l’issue de la résidence, les artistes donnent un concert en petit comité, dans des conditions proches de celles d’un véritable spectacle : c’est ce qu’on appelle un filage.