L’attente

Être dans l’attente de quelque chose.

N’avoir jamais le contenu définitif et donc perpétuellement recommencer ce que l’on fait, créer des choses dans le vague. Insatisfait ? Aucun problème. Refaire. Avancer puis revenir en arrière, avoir l’impression de stagner. Être dans le flou, attendre que les choses évoluent, avoir des indications, des informations. Puis, un mail, ça y est. Aller vite, se dépêcher. Puis patienter, prendre son mal en patience, accélérer, puis reculer. Attendre. Redémarrer, se dépêcher voir même brusquer la vitesse de croisière. Se presser, que tout soit prêt pour mercredi. L’ouverture n’a jamais été aussi proche. On touche le but. Mais tout n’est pas vraiment prêt. Pas de panique à l’horizon. Ou peut-être trop ? Réfléchir dans la précipitation. Peu (voir pas) de recul sur ce que l’on crée. C’est bien ? Pas le choix, il faut se lancer. Régler certains détails. On est bon ? Des modifications à faire ? Rebelote, vite, vite. « Le menu est prêt pour ce midi ? Les prix manquent sur les panneaux ! Demande lui de découper les étiquettes. Je te laisse indiquer les prix des vêtements. » C’est passé. Puis, de nouveau, attendre. Au point de se faire chier. Ranger, patienter. Réfléchir, faire de la veille, ranger ses fichiers, son espace de travail. Puis, attendre. Regarder autour de soi, il fait beau, chaud, trop chaud mais il faut rester au chaud. Prendre de l’avance, anticiper. Checker ce qu’il reste à faire. Mais stagner. Proposer de l’aide. En profiter pour faire des trucs qu’on repousse sans cesse. Une idée ! Vite, il faut se lancer. Réenclencher le processus créatif. Brainstormer. Parler avec Laure. Écrire ce que l’on entend, tout ce qu’on l’entend. Échanger. Tester, imprimer, massicoter, valider. Parfois échouer. Un café ? Travailler, encore et encore. Appeler l’imprimeur. Des imprimeurs. Se déplacer. Avoir des rendez-vous, un pas de plus dans le monde professionnel. Récupérer des échantillons. Commercer. Recevoir des devis, comparer. Passer des commandes. Aller chercher les cartes de visite. Les couvertures pelliculées. Les hangtags. Les autocollants. Et parfois un cookie. 

Faire le point sur les projets qui arrivent. Souvent rigoler. Parfois stresser. Une semaine de passée, deux puis huit. Nos journées sont rythmées par les autres. Nous nous retrouvons dépendantes des décisions des autres, dans l’attente perpétuelle, mais ça fait partie du jeu, de l’apprentissage.

Noter toutes les petites phrases entendues pendant le stage.

Coopération graphique et bienveillance

Le stage est l’opportunité idéale pour mettre en application nos compétences et savoirs-faire dans un contexte différent du système scolaire. Il permet également d’échanger avec des professionnels sur nos productions. Chez Habile, ma collègue c’est Laure. On se connait donc, aussi bien personnellement que professionnellement. Nous travaillons en binôme entre autres sur la création de supports de communication pour le lieu qui va ouvrir ses portes début juin. (Habile, c’est une boutique multifonctions : vêtements, restaurant, cave et épicerie).

Cela fait donc maintenant deux semaines que nous allons travailler dans un endroit autre que la salle de classe ou la maison. Dès le début, nous avons été mises à l’aise, ce qui a été pour nous un soulagement et un poids en moins. Camille, notre tutrice, est directrice artistique et a co-créé Habile, avec son mari chef-cuisinier, Éric. L’environnement dans lequel nous sommes est chaleureux, familial et propice au dialogue. Les choses sont d’autant plus faciles et agréables puisque ce qui nous est demandé de réaliser est dans la lignée de nos références artistiques. 

Le plus important dans notre travail c’est la communication : aussi bien visuelle que verbale. Avec Laure, nous avons l’habitude de travailler ensemble, se conseiller et rebondir sur les expérimentations de chacune. On s’apporte mutuellement en nous nous nourrissant de nos échanges. Par ailleurs, Camille est à l’écoute sur les idées qu’on lui propose. Elle est ouverte au dialogue et bienveillante dans ces propos. Ce contexte favorable au partage nous permet donc de prendre confiance en nous et aussi d’être force de proposition. Le stage nous incite aussi à présenter nos idées à des personnes extérieurs au design graphique, qui n’y connaissent rien. C’est un bon exercice puisque ce que l’on crée derrière nos ordinateurs, ce n’est pas pour nous mais destiné aux autres. Aussi, il faut réussir à prendre de la distance sur notre travail.

Puis, pendant une semaine, Laure a été en télétravail. J’étais donc seule à travailler en présentiel sur les taches qui nous ont été confiées. La différence c’est de suite ressentie : manque de productivité, ralentissement et procrastination. Les discussions par écran interposé rendent l’avancée du travail beaucoup plus difficile, voir même la ralentisse. Il n’y a plus cette instantanéité de l’échange. L’ordinateur devient une barrière alors qu’en temps normal il est un allié dans notre travail. De plus, j’avais du mal à rester concentrée sur une seule tache, il fallait échanger continuellement avec Laure sur nos avancées. Malgré tout, cette expérience nous a permis d’acquérir davantage d’autonomie.