ça fait maintenant trois mois que mon stage a commencé, et il me reste à peine deux semaines.

c’est passé très vite, et pourtant, j’ai l’impression que ces trois mois ont été les plus formateurs depuis mes débuts dans le graphisme.
dès le début, j’ai eu beaucoup d’autonomie. au début j’étais perdue. aujourd’hui, je me sens alignée. je suis dans le rythme, je sais comment on fonctionne, j’ai compris les attentes, et j’ai gagné en fluidité.
il y a deux semaines, une nouvelle stagiaire a rejoint le studio. elle est taïwanaise, elle a le même âge que moi. et en travaillant à côté d’elle, j’ai commencé à observer des vraies différences dans nos manières d’aborder un projet. pas juste nos styles graphiques, mais notre manière même de penser un projet.


c’est là que j’ai compris à quel point la formation qu’on a reçue influence nos réflexes pro, même inconsciemment.
à Taïwan, les études de graphisme durent quatre ans. c’est très compétitif car très grosse promo (jusqu’à 50 élèves), et surtout, chaque projet est poussé jusqu’au bout. quand je dis « poussé », je veux dire : même un tout petit projet a déjà tout un branding. logo, stratégie visuelle, déclinaisons pour les réseaux sociaux, mockups, etc. on dirait presque que tout est fait pour être directement mis en ligne ou pitché à un client. les projets sont très structurés, très orientés “produit fini” dès le départ. mais au-delà de la méthode, ce qui change vraiment, c’est l’approche du travail.
ce que j’ai vu ici, c’est une manière d’envisager chaque projet comme un produit qu’on doit défendre, vendre, marketer. le design est pensé dans une logique de communication directe. chaque visuel a une stratégie, chaque livrable est clean, prêt à être présenté, diffusé, partagé. et ça, ça se ressent dans la posture : ils sont formés à pitcher, à convaincre, à rendre chaque projet légitime dès sa naissance.
de mon côté, ma formation en France m’a appris à chercher et surtout à expérimenter. on a souvent des projets très “unitaires”, plus plastiques, presque introspectifs parfois. j’ai toujours eu le réflèxe d’appréhender un projet avec les mains et de commencer sur le papier, ici pas du tout. je trouve qu’en France, on encourage une approche beaucoup plus plastique et humaine, tourné vers le processus plus que le produit fini. l’école nous pousse à trouver du sens, à suivre une intuition, pas forcément à vendre une solution. on pense beaucoup le fond avant la forme. j’ai aussi remarqué que les étudiants taiwanais ont beaucoup moins ce goût de l’expérimentation sur différents supports ou à travers différentes techniques. en fait, je pense que leur formation les poussant à imaginer un produit fini dès les premières expérimentations, ils ont tendance à ne pas passer par cette phase de recherche plus brouillon qu’on nous encourage à avoir en début de projet, ce qui fait qu’ils ont moins ce reflèxe d’expérimenter.


ces différences de formations se ressentent directement dans le monde pro, et encore plus lorsqu’on vient de culture différentes.
moi, j’ai tendance à commencer un projet par l’idée, l’émotion, l’atmosphère. je met du temps avant de rentrer dans un projet.
à côté, l’autre stagiaire va droit au concept. moodboard, couleurs, typo, positionnement, tout est là dès le début et c’est présentable immédiatement.
grâce à tout ça, je me suis rendue compte que je savais faire, mais que je ne savais pas forcément “montrer” ce que je faisais et que souvent, ma manière d’avancer était lisible que pour moi.
je ne pense pas que l’un soit mieux que l’autre. mais dans un cadre pro, il faut que le projet parle aussi aux autres.

ce stage m’a forcée à rendre mes idées compréhensibles et à sortir de la recherche pure pour aller vers une forme de clarté. et en même temps, je sens que ce que je garde de ma formation française reste le coeur même de mon identité graphique. j’ai besoin de cette approche plus sincère pour créer, car sans ça, je trouve que produire devient presque scientifique.
maintenant, je cherche à construire une méthode qui mixe les deux. être capable d’avoir une démarche personnelle, mais aussi de l’incarner de manière claire et directe, rendre mes intentions visibles et donner une forme au fond.
merci de m’avoir lue sur ces 3 superbes mois et à la rentrée!!!!!!!!!!!!!