Le graphiste doit-il auto-limiter ses capacités ?

Entre créativité, stratégie et frustration : quelle implication pour le graphiste ?

Depuis le début de mon stage, j’ai eu l’opportunité de participer à 4 gros projets, tous suivant un processus de création similaire mêlant Branding et Packaging. À chaque nouvelle demande d’une marque, nous recevons un brief par mail, parfois accompagné d’un PDF explicatif, de références visuelles et d’une direction plus ou moins précise à suivre. Ce point de départ lance un véritable travail de conception en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, chaque membre de l’équipe (nous sommes trois) doit proposer 3 à 5 concepts, ce qui représente au total au minimum 9 propositions différentes. Chacun prépare ses idées comme il le souhaite : croquis, dessins, maquettes Illustrator, etc. Chaque idée est présentée sur une planche avec à droite les croquis et le concept, et à gauche un moodboard de références visuelles.

( flou volontaire ) Planches des premières recherches / croquis / illustrations

Ensuite vient le brief collectif, un moment très enrichissant où nous présentons nos idées à tour de rôle. C’est à ce moment que les échanges prennent vie : nous analysons les forces de chaque proposition, repérons les éléments récurrents, cherchons des combinaisons possibles entre les idées pour ne garder que les plus fortes. De ces 9 idées, nous en sélectionnons 3 à développer plus en détail.

Brief partage des idées

C’est seulement après cette étape que je commence à “vraiment” travailler : j’entre dans la phase de production concrète, je passe sur Illustrator pour simuler les matières, penser les formes, et rendre mes concepts les plus réalistes possibles. C’est aussi à ce moment que je donne tout : j’essaie de proposer une version finale très aboutie, professionnelle, et prête à être réalisée.

Recherche de matière

Mais après 4 projets, des questions me trottent dans la tête : ­­­- Est-ce que je dois vraiment me donner à 100% pour une simple “proposition”, qui n’est pas sûr d’être retenue ? – Est-ce qu’en tant que graphiste, je dois apprendre à doser mes efforts et à “gérer” mes propositions ? – Ou bien faut-il tout donner à chaque fois, quitte à accepter que la plupart de nos idées resteront dans les tiroirs ?

Il y a une forme de frustration inévitable quand notre propositions n’est pas choisis :

On avance jusqu’en finale, et pourtant on ne joue pas le dernier match.

Marjane

je pense que c’est comme si son équipe gagne la finale, mais sans nous sur le terrain. On a contribué à la victoire, mais elle ne nous appartient pas vraiment. 🤾‍♀️💻🥇

Marjane

Et pourtant, je ne ressens pas de regret ou de frustration d’avoir trop travailler. Lors de nos briefs internes, je remarque que chaque proposition est considérée, et que nous sommes tous dans le même cas. Et même si elles ne sont pas retenues, des éléments-clés de nos idées sont intégrés dans le concept final. Donc on ne perd jamais totalement, on contribue toujours un peu. C’est très valorisant.

Mockup Finale Photos / MidJourney / Firefly

Mais une autre pensée me vient : – Est-ce que, dans ce processus, le graphiste ne devient pas stratège ? – Pour orienter la décision du client, faut-il parfois mettre en avant une idée plus qu’une autre, la rendre plus séduisante, plus aboutie, et donc sous-investir volontairement une piste pour qu’elle soit naturellement écartée ?

Trois options s’offrent alors à nous, les graphistes :

  1. Saboter volontairement une idée 😈, en la rendant moins développée ou moins aboutie, pour mettre en valeur une autre piste que l’on souhaite voir retenue.
  2. Développer davantage une piste que les autres, sans pour autant négliger complètement les idées secondaires — une manière plus subtile d’influencer le choix du client.
  3. Donner le meilleur de soi sur chaque proposition, en investissant autant de temps et d’énergie dans chacune, tout en sachant qu’une seule sera sélectionnée au final.

Est-ce une forme de manipulation ? Ou simplement de l’intelligence créative ?Cette réflexion m’as permis soulever un dilemme important dans le métier : Le graphiste est-il un simple exécutant au service du client ? Ou un acteur de la stratégie, capable d’influencer subtilement les choix sans jamais l’imposer ?

Ce stage m’amène à réfléchir à cette posture, et à trouver un équilibre entre Investissement personnel, Efficacité professionnelle, et Résilience face aux décisions finales.

Auteur/autrice : Marjane

Étudiante en Dnmade Graphisme Augmentée à Paris Actuellement en stage de 3mois chez Heaz situé à Séoul